DEMAIN !
Quarante ans sont passés, leur drapeau flotte encore
Sur nos forts et nos tours, et chaque jour l’aurore
Se levant sur le Rhin,
Comme pour l’embraser, sur la terre endormie
Jette un reflet de feu, sur la rive ennemie
Jette un reflet d’airain!
Quarante ans sont passés, amis, la coupe est pleine !
Entendez-vous ces cris qui montent de la plaine :
Courage ! malgré tout !...
C’est la voix des vaincus, dans l’ombre et le mystère
Héros obscurs couchés pour toujours sous la terre,
Et nous criant : debout…
Entendez-vous ces voix lus faibles, mais plus douces,
Voix de mil huit cent six, dont les échos nous poussent
A nous venger… là bas !
Ce sont les chants guerriers des vainqueurs de l’histoire,
Vétérans de l’Empire, amis de la victoire,
Nous contant leurs combats.
Les premiers à nos cœurs reprochent l’indolence
Et l’oubli de l’affront, cette antique vaillance
Qui nous allait si bien ;
Les autres, les vainqueurs, nous chantent l’espérance,
Et nous disent comment jadis, l’Aigle de France
A tué l’oiseau prussien.
[…]
Soldats de notre illustre race,
Dormez, vos souvenirs sont beaux !
Le temps n’efface pas la trace
Des noms fameux sur les tombeaux ;
Dormez, par-delà la frontière
Vous dormirez bientôt chez nous ;
Notre vaillance reste entière,
Et sur vos tombes, à genoux,
Nous viendrons déposer nos armes,
Vengés de nos anciens malheurs,
Les arrosant avec nos larmes,
Nous y ferons fleurir nos fleurs !
[…]
Vous nous avez volé l’Alsace et la Lorraine,
Vous n’arracherez pas ce sentiment humain
Germé de notre cœur, et qu’on nomme la haine,
Gardez votre pays… nous y serons demain !