Pierre Babouard naquit à Loudun, le 30 juin 1892, son enfance s’écoula, dans une maison située place de la Boeuffeterie, proche du chevet de Saint-Pierre, à l’ombre du vieux clocher gothique.
La maison paternelle, l’église paroissiale et l’école chrétienne : voilà les trois influences qui ont servi à façonner son âme d’enfant selon les desseins que Dieu avait sur lui.
Ce fut une enfance très protégée. Il sortait peu pour jouer au dehors avec les camarades. La maison lui suffisait. Il y tenait, d’ailleurs, beaucoup de place, étant très actif dans ses jeux solitaires. Tantôt il alignait ses soldats sur la table ou sur le plancher, tantôt il lisait, tantôt il dressait des autels et chantait la messe, revêtu d’ornements en papier peint qu’une amie de la famille se plaisait à lui confectionner.
A sept ans et demi, il fut admis comme enfant de cœur à l’église paroissiale de Saint-Pierre. Ce fut un des évènements considérables de sa vie d’enfant. La pensée du sacerdoce était déjà ancienne dans cette jeune âme, au contact de l’autel, il la sentit se préciser et se fortifier. Avec la promptitude qu’il mettait en toutes choses, il voulut devenir le plus tôt possible maître des cérémonies, pour avoir aux offices une part plus active. Pierre assista, en avril 1901, au triduum organisé pour la glorification de Jean-Charles Cornay, enfant de Loudun, missionnaire mort au Tonkin, en 1837. Il vit, l’année suivante, le baptême d’une cloche, nommée Jean-Charles, en l’honneur du Bienheureux martyr.
Le petit enfant de cœur regardait de ses yeux vifs. Il se sentait heureux d’être en bonne place, de paraître quelqu’un par les fonctions qu’il remplissait.
Il était souvent question, dans la famille, de la vocation de Pierre. Les parents modéraient l’impatience de l’enfant. Il fallait, pour décider, attendre la première communion.
Le grand jour arriva : il dit alors « Je fis de mon mieux la retraite préparatoire, et pour la première fois, Dieu descendit dans mon âme. Je priai beaucoup et demandai à Jésus si vraiment je devais être son prêtre. Désormais j’étais fixé. »
Il entra le 6 octobre 1905, comme élève de quatrième, au petit séminaire de Montmorillon. En décembre 1906, suite à la loi de séparation des Églises et de l’Etat, le petit séminaire était expulsé du bel établissement qu’il occupait depuis un siècle. Il se réfugiait à Poitiers, au collège Saint-Joseph. C’est là que Pierre acheva ses humanités.
La retraite de novembre 1907, au début de sa seconde, est une de celles qui marquent le plus dans sa vie. Pierre vient d’être appelé à prendre la soutane et en fait part avec grand enthousiasme à sa famille. Quelques mois après, le 4 avril 1908, c’est une autre grande grâce, la tonsure.
En mars 1909, appel à l’ordre de portier, puis il entre au Séminaire de St-Sulpice d’ Issy-les-Moulineaux. Il reçoit, le 1er juin 1912, les trois derniers des ordres mineurs.
Mais le moment approche où il devra quitter le séminaire pour la vie de soldat. Il y pense, à l’ordination du 17 mai, quand ses confrères et ses amis se donnent définitivement à Dieu, sous le sous-diaconat et que lui il reste en arrière pour bien des années.
Il est convoqué le 1er octobre au 125° Régiment d’Infanterie de Poitiers. La caserne fut pour Pierre, l’occasion de beaucoup de sacrifices, il mit aux exercices du soldat presque le même entrain qu’il mettait jadis à la vie du séminaire. Puis arriva le 31 juillet 1914 la mobilisation générale…
Pierre Babouard, devant ces perspectives d’avenir imprévues et menaçantes, se réfugie dans les pensées de la foi : « l’heure est grave, écrit-il à ses parents, nous sommes entre les mains de Dieu. »
Le 28 octobre 1915, il écrit des tranchées au nord-est d’Ypres:
- « nous avons repris le dur travail ; tranchées au contact de l’ennemi, marche en avant de tranchée en tranchée. Les balles sifflent et, de temps en temps, font quelque vide parmi nous. Plusieurs camarades sont tombés ces jours-ci. J’ai assisté un agonisant. »
Il écrit le 17 novembre « vers quatre heures du matin, un bombardement sérieux se déclenche et nous tue quelques hommes. Puis, les allemands nous attaquent à la baïonnette. On les aperçoit à peine, dans le demi-jour. Nous dirigeons vers eux une vive fusillade. Ils chargent jusqu’à trois reprises différentes. A chaque fois ils sont arrêtés, et finalement ils se replient. Le résultat fut merveilleux. Bien peu regagnèrent leurs tranchées. J’en ai pour ma part abattu quatre ou cinq. » Il ajoute :
« Le même jour, je l’ai échappé belle. Deux balles ont déchiré mon képi. Une troisième m’a écorché légèrement, à droite de la tempe. Petit avertissement de la Providence, qui tient à nous faire savoir que nous sommes toujours entre ses mains. »
Plus d’une fois il a risqué sa vie pour approcher un camarade tombé dans un endroit dangereux, lui appliquer un pansement, lui adresser quelques paroles de réconfort.
Quand il parlait des blessés qu’il avait pansés, des mourants qu’il avait assistés, il ajoutait fréquemment :
« Quel dommage de ne pas être prêtre, de ne pas pouvoir dire la parole qui pardonne ! »
Son capitaine le propose pour une citation, qui est inscrite, à la date du 6 mai, à l’ordre du régiment :
Trois fois blessés depuis le début de la campagne, s’est toujours distingué pour son courage et son énergie, s’est fait remarquer dernièrement, au moment de l’explosion d’une mine ennemie dans sa tranchée.
Puis blessé par un shrapnell alors qu’il s’élançait à la baïonnette sur les tranchées ennemies, Il est évacué sur Granville, à son retour, Il reçoit une citation à l’ordre de la division, datée du 18 mai. « Elle est, dans les mêmes termes que celle à l’ordre du régiment, avec cette addition : « Blessé une quatrième fois en entraînant ses hommes à l’assaut. »
A Verdun, le dimanche 7 mai 1916 dans l’après-midi sur les pentes sud-est de la cote 304.
Alors que l’ennemi déclencha une forte attaque, le sergent Pierre Babouard sortit alors rapidement et mit sa batterie à découvert, La pièce ayant à peine tiré quelques bandes, un enrayage se produisit. Les Allemands continuaient d’avancer. Pierre était penché sur sa mitrailleuse pour rétablir le tir, quand une balle l’atteignit en plein front pour ressortir derrière la nuque. Il tomba à la renverse, absolument foudroyé, sans aucune souffrance, ayant comme d’instinct, croisé les bras sur sa poitrine.
Dans notre cimetière, une plaque apposée sur la stèle de la tombe familiale abandonnée rappelle le sacrifice de ce héros.
A la glorieuse mémoire de M. l’Abbé Pierre Babouard Sergent mitrailleur au 125° d’infanterie mort au champ d’honneur le 7 mai 1916 à la cote 304 à Verdun à 24 ans
Croix de Guerre avec 3 citations