Le combat de MONTCONTOUR

22 Juin 1940
L'histoire de Moncontour s'est- elle achevée avec le 22 Juin 1940? Nul le saurait le dire. Son passé est si riche en souvenirs historiques ! De son origine romaine au 12° siècle les renseignements précis manquent. Mais du milieu du 12° siècle, on a conservé le souvenir de la longue et sanglante lutte entre le seigneur de Moncontour et l'Abbé Raoul. En 1214, c'est Louis, fils du roi Philippe-Auguste, qui s'empare du château de Moncontour. Vers 1370, les Anglais s'emparent du château et passent au fil de l'épée toute la garnison française. En 1372, Du Guesclin reprend le château gardé par un corps de cinq cents soldats. Le 3 octobre 1569, c'est à Moncontour que se décida le sort du catholicisme. 
En 1940, parmi les pages glorieuses écrites par l'armée française en retraite on peut lire avec admiration celle de Moncontour où deux soldats français tombèrent en héros en défendant le sol de la Patrie : le Lieutenant Naud Daniel et le Cavalier Guibert Eugène l'un du recrutement de Bourges, âgé de 27 ans, qui était adoré de ses hommes et le second, né le 13 Mars 1909 à Saint-Lumine-de-Clisson (Loire Inférieure) qui s'était déjà distingué en Hollande où, encerclé par l'ennemi il avait réussi à franchir les lignes avec son camion. 
Le communiqué officiel n° 503 du 22 Juin a relaté laconiquement la résistance héroïque de ces braves soldats :" Des rencontres locales ont eu lieu au sud de la Loire, notamment à Moncontour, à Ligueil et à Châtillon-sur-Indre, ainsi qu'entre Saint-Etienne et Roanne... 
Le 21 Juin 1940, dans l'après-midi, 200 soldats français viennent prendre position à Moncontour. Parmi eux, il y a une cinquantaine de dragons portés, dont le courage forcera l'admiration. 
Moncontour offre un point de résistance exceptionnel : les Français vont en profiter pour retarder l'avance ennemie. Le commandant militaire a établi son P.C. dans une maison du quartier de la Barre. Deux lieutenants et un aspirant préparent la résistance. Les hauteurs où s'élèvent le donjon de Foulques Nerra permettent à merveille de surveiller les deux routes de Loudun, celle de Sauzeau et celle de Martaizé. Un canon anti-char est placé à l'angle du cimetière dominant la route de Sauzeau. Un peu plus à l'Est, dans une vigne, dans un champ de pomme de terre et dans le grenier d'une ferme des mitrailleuses prennent cette même route en enfilade. Plus à l'Est, au carrefour des Quatre Vents, un canon et des mitrailleuses surveillent la route de Martaizé et celle de Messais. Aux abords de la Tour, des mitrailleuses sont également en position. Au sud du village, une mitrailleuse est placée sur la ligne d'Airvault pour éviter toute surprise d'encerclement. Sur la place Coligny, des fusils-mitrailleurs guettent à l'entrée des marais. 
Des éclaireurs ont signalé l'ennemi vers Angliers. Fera t-on une résistance sérieuse? Personne ne le pense. Une résistance, c'est la destruction presque certaine du pays, et la population doublée par l'afflux des réfugiés n'a pas été évacuée. Qui prendrait une telle responsabilité? D'ailleurs les évènements semblent avoir dépassé les plans de l'Etat Major. " S'ils sont peu nombreux, avait dit un officier, nous les laisserons passer ; s'ils sont beaucoup nous tirerons". 
Ils sont venus plusieurs milliers : la cavalerie par la route de Sauzeau et les élèments motorisés par la route de Martaizé. 
Le 22 Juin à 9 heures, un avant-poste français, placé à Sauzeau se replie ; deux mille cavaliers allemands arrivent par cette route. 
Les officiers français qui viennent de se raser, achèvent leur toilette lorsqu'on leur dit "Pressez-vous, les Allemands arrivent". Ils courent en chantant prendre place à leurs postes de combat. Dès que les Allemands sont à leur portée, les mitrailleuses font entendre leur infernal ta ca-ta ca-ta ca. Il y a là dans une vigne, sous un noyer, le lieutenant Naud ; à une vingtaine de mètres, dans un champ de pommes de terre, près d'un poirier, le soldat Guibert. Les chevaux et les hommes sont littéralement fauchés, car l'ennemi n'escomptait aucun combat. Les assaillants, surpris, se réfugient au Moulin de Montjean. Leurs canons et leurs mitrailleuses crachent une pluie de fer sur les nids de résistance. En même temps les chars et les éléments motorisés qui arrivent par la route de Martaizé sont arrêtés. Deux coups de canon camouflés aux "Quatre-Vents" incendient trois automobiles : une douzaine d'officiers allemands sont complètement carbonisés. 
Pendant plus de trois heures, l'ennemi est tenu en échec. Les allemands envoient au lieutenant Naud un émissaire - un soldat français prisonnier - pour lui demander de cesser le feu. Il fait cette fière réponse : " Va leur dire que je tirerai jusqu'au bout" . 
Vers midi et demie, le commandant donne l'ordre de repli. Cet ordre est intervenu au moment même où l'aviation allemande se préparait à raser Moncontour. Deux soldat français, porteurs de cet ordre, sont très grièvement blessés. L'un deux a été retrouvé sur le corps du lieutenant Naud qui venait d'être mortellement atteint d'une balle au coeur. Le soldat Guibert avait lui aussi trouvé une mort glorieuse : un éclat d'obus l'avait atteint à la tête. Ces deux héros reposent au cimetière de Moncontour. Leurs deux camarades grièvement blessés ont reçu les premiers soins par la population civile puis ont été transportés à l'hôpital de Loudun. Les Allemands firent une vingtaine de prisonniers qu'ils relâchèrent le jour même. 
Cinq cents obus ont été lancés sur Moncontour ; vingt-sept sont tombés dans le cimetière, endommageant plusieurs tombes. Quelques maisons et hangars ont été sérieusement détériorés, mais il n'y eut aucune victime parmi la population. Le Donjon de Foulques-Nerra a été troué par un obus, mais il reste fièrement debout, semblant défier l'envahisseur. Les pertes allemandes ont été très lourdes. Les corps ayant été emportés par l'armée victorieuse pour être incinérés, il est impossible de les chiffrer exactement, mais on peut affirmer qu'elles s'élèvent à plusieurs centaines de tués. Trois soldats allemands, seulement inhumés au lieu même de leur mort deux sur la route de Sauzeau et un au "Magne". 
A. SAMOYAULT 
Directeur d' École à Moncontour