Cérémonies du 8 Mai 2017

Loudun - Véniers
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 Aujourd'hui, nous commémorons le 72ème anniversaire de la victoire de 1945.
Cette photo en est le symbole! 
En 1945, après cinq ans de captivité, de nombreux Loudunais, prisonniers de guerre, regagnent leur terre natale. Parmi eux se trouvent les S.T.O partis travailler en Allemagne et les déportés en « habit rayé », internés dans les camps de concentration et d’extermination.  
Malgré la joie du retour, les retrouvailles sont parfois douloureuses tant ils sont méconnaissables. 
Ils ont subi tant de privations, d’humiliations, de promiscuité ! 
Leur santé s’est dégradée au fil du temps ; certains retrouvent leurs proches dans un état de délabrement complet. 
D'autres n'ont pas eu cette chance, en particulier, Emilien Véniers, dont nous honorons aujourd'hui, la mémoire.
Discours Émilien Véniers, à l'église de Véniers
Aujourd'hui, nous rendons tout particulièrement hommage à Emilien Véniers. Celui-ci est mort au camp de concentration de Lublin-Majdaneck dans l'indifférence la plus totale, malade, faible, anéanti par le régime nazi et les mauvais traitements. 
Essayons de comprendre le destin de cet homme. Aucune mention de sa mort n'est inscrite en marge de son état civil à Ouzilly-Vignolles, commune qui l'a vu naître en 1922. 
Son nom ne figure pas davantage sur le monument aux morts de son village ni sur celui de Loudun  
Depuis 1938, Emilien Véniers travaille à la ferme Criton, à Niré-le- Dolent. Il part pour l'Allemagne, le mardi 15 juin 1943, avec ses camarades loudunais de la classe 42, tous requis pour le Service du Travail Obligatoire dont M. André Thaudière présent ce matin parmi nous. 
En avril 2016, Monsieur Christophe Woehrle, universitaire allemand, rencontre dans le cadre de ses recherches sur les prisonniers de guerre, M. André Thaudière qui lui demande alors de retrouver la trace de son camarade. M. Woehrle, lui promet, qu'il fera tout son possible pour réparer cet oubli.  
Durant le trajet qui les menait jusqu'à Paris, M. Thaudière se souvient que le convoi s'est immobilisé plusieurs fois car certaines personnes ont tiré le signal d'alarme. En arrivant à Paris, plusieurs centaines de soldats allemands armés de fusils et de mitraillettes entourent le train. Un officier choisit 29 otages. Emilien Véniers fut l'un d'entre eux. 
Le 27 juin 1943, il est interné avec un millier d'autres au camp de Buchenwald. A partir du 11 juillet 1943 il est conduit au camp de concentration de Ravensbrück, au commando de travail de Karlshagen. 
Après le bombardement de l’usine de V2 de Karlshagen et la destruction totale des installations, l'un des 29 otages, Paul Bolteau, raconte qu'il est retourné avec Emilien Véniers au camp de Buchenwald. 
A nouveau leur destin sera commun, car ils sont tous deux transférés le 14 octobre 1943 vers le camp de concentration de Dora, annexe du camp de Buchenwald.  
Dora, où les brutalités sur les prisonniers, les exécutions des saboteurs, réels ou présumés, et l'assassinat des détenus, les politiques en particulier sont chose courante dans la phase finale. Certains sont abattus froidement ou battus à mort, d'autres enfin meurent de maladie ou de malnutrition. 
Finalement Emilien Véniers quitte Paul Bolteau le 15 janvier 1944 pour être transféré, malade, vers le camp de concentration de Lublin-Majdanek qui est situé en Pologne au sud-est de Varsovie. Comme Auschwitz, il s'agit d'un camp d'extermination. Des convois de déportés malades venant de Buchenwald, Dora, Ravensbrück sont envoyés début 1944 à Lublin et subissent des "sélections" allant jusqu'à 100% d'exterminations.  
Le 24 juillet 1944, à une heures non précisée, Emilien Véniers décède au camp de Lublin-Majdaneke. 
Le 20 février 2017, à la demande de M. Woehrle, l'Office Nationale des Anciens Combattants lui attribue la mention "Mort pour la France" soit près de 73 ans après sa mort. 
Pourquoi avoir attendu tant d'années? 
La raison est la suivante : 
En 1947, M. Criton, son employeur a mentionné sur une attestation, le 15 juin 1942, comme date de son départ pour l'Allemagne, au lieu du 15 juin 1943.  
Pour les autorités militaires, Emilien Véniers fut donc considéré comme volontaire et non comme requis. 
Après l'office religieux nous dévoilerons au monument aux morts de Loudun, la plaque de la stèle S.T.O, où son nom en lettres d'or vient d'être ajouté. 
Je vous remercie
Texte transmis par Monsieur Christophe Woehrle
En cette année 1943, il n'avait rien demandé, comme ses 600000 autres camarades du Service du Travail Obligatoire. Comme eux, il n'aspirait qu'à vivre sa vie et les questions nationales lui semblaient bien lointaines dans sa Vienne natale. L'histoire l'a rattrapé, le tourbillon du national-socialisme l'a emporté vers des terres lointaines qu'il ne soupçonnait pas. 
Lorsqu'il prit le chemin de la gare de Poitiers, accomplissant son devoir de Français, inquiet du sort qu'on allait lui réserver, il était persuadé de rentrer, tôt ou tard, auprès de ceux qu'il aimait. Après un voyage chaotique et des actes de résistance anodins qui semblent être plus des jeux d'enfants que de vrais actes réfléchis, Emilien Véniers est pris en otage par l'occupant qui veut faire des trublions un exemple pour les résistances à venir. 
C'est la dernière fois qu'André Thaudière, celui qui nous a permis de nous souvenir de Monsieur Véniers aujourd'hui, verra son visage. Alors qu'André Thaudière subit le travail contraint en territoire ennemi, Emilien Véniers traverse les pires épreuves de sa vie. Il connaîtra des camps au noms évocateurs et tristement célèbres tels que Buchenwald et Majdanek. C'est là d'ailleurs, qu'il finira sa vie loin de son pays natal, loin des siens, loin de sa patrie. 
Il meurt dans l'indifférence la plus totale, malade, faible, anéanti par le régime nazi et les mauvais traitements. 70 ans ont passés, Emilien Véniers est tombé dans l'oubli. Sa patrie l'a oublié mais pas André Thaudière.  
Dans le cadre de mes recherches sur les prisonniers de guerre français et avec l'aide de Madame Quinquenneau Eliane fille de Kleber Delanoue ancien prisonnier de guerre et de Jacques Sergent du Souvenir Français, j'ai pu rencontrer André Thaudière qui m'a raconté sa vie et son destin de travailleur contraint pendant la guerre. Il n'avait pas oublié Emilien Véniers et ne comprenait pas l'injustice de cet oubli par la France. Il me demanda donc de faire les recherches nécessaires et de rétablir l'honneur de Monsieur Véniers.  
Ce que je fis. Mon travail consiste à sortir de l'ombre l'histoire des oubliés de cette barbarie, car ils sont nombreux. Mon travail consiste à faire vivre le devoir de mémoire par des actions fortes et à ne pas laisser la fatalité enterrer nos anciens dans l'indifférence la plus totale. C'est l'indifférence et le manque d'information qui font le lit des populismes et des extrêmes. Je me bats, par chacune de mes actions, au rétablissement de la mémoire, au rappel des faits historiques, au combat contre la haine et l'oubli. Je continuerai à œuvrer en ce sens et j'ai besoin de votre soutien pour y parvenir.  
Emilien Véniers est revenu aujourd'hui parmi les siens, son nom figure après 70 longues années d'absence sur le monument aux morts et il est enfin reconnu comme "Mort pour la France". Cela ne doit pas paraître dérisoire, il s'agit de l'honneur d'un homme, du respect d'une vie arrachée par la barbarie, d'une injustice humaine à peine réparée. Chaque fois que nous poserons notre regard sur son nom, nous penserons que la haine et le rejet ne sont pas des solutions aux maux de notre humanité. Continuons le combat commencé par nos pères il y a 70 ans, ne laissons pas d'autres hommes mourir dans l'indifférence, continuons par nos actions à sensibiliser les plus jeunes pour que le sacrifice de nos anciens serve à l'éducation des générations futures. L'homme apprend lentement, celui qui ignore son passé doit s'attendre à le revivre, à nous de continuer le combat. Merci de m'avoir écouté.  
Christophe Woehrle 
10 Mai 2017
Photographies : M.P. PINEAU et E. MARCHÉ