Il y a 2 ans, les troupes alliées avec les forces combattantes françaises nous ouvraient toutes grandes les portes des camps. Nous devenions alors prisonniers libérés, déportés, S.T.O., les seuls bénéficiant d'un élan d'amour spontané de la Patrie, d'un peuple désormais indompté. Mais, notre joie du retour était incomplète car il restait hélas, beaucoup trop des nôtres ensevelis en terre étrangère, loin de leur sol natal.
Depuis 2 ans, nous n'avons cessé de réclamer que ceux de nos frères de misère endormis loin des leurs, puissent reposer dans la terre qui les vit naître.
La Fédération Nationale des Prisonniers de Guerre n'a cessé de le revendiquer. Aujourd'hui le Gouvernement de la République, compatissant au désir légitime de toute la nation, a voulu associer dans un même hommage ces héros obscurs et a institué en ce 27 juillet un jour de deuil national.
Agissant en qualité de président de la section de Loudun, un devoir m'échoua, celui d'accueillir la dépouille mortelle d'un de mes camarades d'enfance et d'école : Maurice Lambert, mort des suites de captivité.
Mon cher camarade, ta modestie bien connue n'en demandait pas tant. Tu étais trop effacé pour penser qu'un jour tu aurais droit à ce faste, mais tu es devenu plus que tu ne pensais un symbole. En te recevant, tes camarades non seulement t'honorent, mais en toi, honorent et saluent ceux surtout qui ne reviendront jamais. Nous honorons, ceux qui, comme toi, n'ont connu que la défaite, mais qui n'ont jamais désespéré dans la destinée de la France et qui, bien que se demandant ce que serait le lendemain, n'ont jamais admis qu'une bataille perdue était une défaite totale, et comprenaient avec grandeur que la captivité si dure soit-elle n'était que la continuation du combat : tous ces héros qu'ils soient des camps de tortures ou de prisonniers avaient au coeur la grandeur de la Patrie.
Vous avez transmis après ceux de 14-18, un flambeau qui ne doit pas s'éteindre : celui de la droiture et de l'honneur dans le service de la Patrie. Nous vous jurons, grands morts, de ne jamais l'oublier, vous avez comme nous, rêvé d'une France forte, unie et grande. La mort vous a épargné cette déception qu'ont eue vos frères à leur retour devant les passions partisanes et le peu d'amour-propre dont certains ténors de l'heure, ont fait preuve, croyant peut-être votre leçon éteinte.Mais en ce jour où tout nous ramène vers votre souvenir douloureux, votre grande voix forte dans votre cohésion anonyme, brisant le silence sépulcral dit à ces faux patriotes, qui n'ont pensé servir la France que quelques heures avant sa délivrance alors qu'ils s'étaient enrichis, sans scrupules avec l'occupant : "Lorsqu'on a un tel passé derrière soi, on a la pudeur de se taire et de garder son orgueil pour soi, le courage de se terrer dans l'ombre pour ne jamais reparaître".Votre sublime leçon rappelle que si vous fûtes combattants sans gloire, vous avez toujours conservé très haut votre honneur, n'ayant d'autres consolations en fermant vos paupières que la douce satisfaction du sentiment du devoir accompli.