GIRAULT Robert

GIRAULT Robert
Loudun 5 Mars 1909 - Longué-Jumelles (49) 1er Février 1986
Girault (Robert), 5-3-09, Loudun, brig.-ch., 20e R. A, D.
Liste Officielle N° 10 de Prisonniers Français - Paris 4 Septembre 1940
Le carnet de Robert GIRAULT
26 Août 1939 Appel du 6 ? 
27 Août 1939 Je rejoins le CMA (centre mobilisateur des Armées n°9 ) 
à Poitiers. MAG (son épouse Marguerite), Claude, Papa et Maman m’accompagnent. Je retrouve TESSIER. Je suis affecté comme secrétaire au Bureau des détails. (20e RANA, régiment d’artillerie nord-africaine) 
22 au 31 Août 1939 Mise au point de l’échelon B. Je téléphone 2 fois à MAG ; 
Je ne reçois aucune lettre. Quelle tristesse ! 
1au 2 Septembre 1939 Départ et voyage. TOURS.LES AUBRAIS.(Orléans) 
TROYES.VERDUN.STENAY 
3 Septembre Débarquement à SAULMONY (08) et cantonnements à MARTINCOURT.1ere étape vers MOUZON. Déclaration de la Guerre. 
Premières lettres. Je loge en ville. Le bureau est installé dans un petit garage. 
5 Septembre Nous partons vers la frontière (Moselle) 
Au 11 Septembre Arrivée à BITICHE (Moselle). Nos pièces sont mises en batterie. Jusqu’au 7 Octobre Légères escarmouches. Nous vivons sur les ressources locales : Cochons, Poules, Lait, Légumes. 
8 Octobre Départ vers le repos. Etapes : MENSKIRCH-DEOLE-PURNS 
La MAXE (Metz) Chasse aux lièvres (TESSIER est reformé) COIN LES LIVRAY (mauvaise réception) RAIMHERCOURT (cuite de CARRIERE)  
Je couche dans un lit dont les ressorts du sommier passent au travers de la toile. BOUCONVILLE. Il pleut, difficultés énormes pour faire le cantonnement 
Je couche dans une grange à travers les chevaux et dessous une chouette. 2 jours de repos (batailles de rats) Nous partons pour les Ardennes en voiture. Je fais le voyage dans la traction avant, avec CARRIERE et GUERIN. Beau voyage à travers la campagne et les forêts. C’est l’Automne, les arbres sont ravissants, LE CHESNE-POPULEUX (ancienne dénomination), Nous campons dans une grande ferme, près d’un lac formé par un barrage d’un cours d’eau (réserve d’eau du canal des Ardennes.  ….langue de bœuf. GIVRY.LOISY 
9 novembre 39. Petite commune de 30/40 foyers où nous restons assez longtemps. Je couche avec SULAIRRET-CARRIERE-ARTAUD-MOREAU dans la salle à manger d’une petite maison de campagne (Mme GAUFELEAU ) 
On commence à parler de permission. Je suis nommé brigadier-chef à compter du 1er Novembre  
22 novembre 39 Arrivée d’un renfort. Je retrouve un plâtrier de LOUDUN ; BOURNEAU. Il ne reste pas à la batterie 
24 novembre 39 Premier départ en permission. Il y a de l’espoir. 
2 décembre 39 Je vais à REIMS au ravitaillement. Je n’ai pas le temps de visiter la ville. Il fait mauvais temps. ARTAUD part en permission (à son retour je partirai)  
14 décembre Je pars en perm. Je peux sortir de la gare de REIMS avec 2 camarades DIDRY et DUCOU. Je visite la ville, nous avions 4 heures à disposer. 
Minuit j’arrive à MONTREUIL-BELLAY. J’ai pris le 1er train. Je suis en avance, MAG n’est pas arrivée, je commence à m’inquiéter, enfin la voiture apparaît, et vite MAG accourt dans mes bras. Je suis heureux d’être en perm, mais sans cesse le jour du départ me rappelle à la réalité. Je retrouve tous les miens en bonne santé. Les jours passent terriblement vite et il faut repartir. 
25 décembre Départ. MAG, Papa, Monsieur PARCHARD m’accompagnent .Je retourne avec LACOUVIERY ( prep de chez RABOUREAU) ma petite MAG est bien courageuse, elle espère mon prompt retour. Dans la nuit noire, le train s’enfonce et m’emporte à toute vitesse loin de MAG, de tous. 
27 décembre Après un voyage de retour assez triste et sans histoire, je rejoins ma batterie qui pendant ma permission a changé de cantonnement. Elle est maintenant à CHARDENY (Ardennes). CARRIERE ET ARTAUD m’attendent. Il est 11 H. 
Il fait froid et la neige tombe, je couche au bureau dans une petite chambre bien aménagée, il y a du feu, mais combien je serais plus heureux à DOUE, près de MAG. 
1er Janvier 40. Une nouvelle année qui commence. Espérons qu’elle nous apportera la paix. Je suis invité au mess des sous-officiers, où nous faisons un bon repas. Nous sommes allés nous promener dans la campagne toute blanche. Nombreuses chutes. Le soir nous irons au cinéma à VOUZIERS. 
 
10 MAI, réveil brutal par la sirène 
Combat aérien au dessus de MOUZON 
L’Allemagne est entrée en HOLLANDE et en Belgique 
Nous sommes en état d’alerte. Les échelons quittent la ville pour bivouaquer dans les Bois de la Berchere. 
Nous partons vers 21h. Après l’étape (2 h environ) je passe le reste de la nuit couché dans la cabine de ma camionnette. 
11 MAI. La journée se passe sans rien d’anormal se déroule. Cependant vers MOUZON, le canon tonne dans l’après-midi, des bombardiers passent, ils s’en vont vers la France, sans se soucier de nous. 
Je passe la nuit dans ma voiture que dans la journée nous avons déchargée. 
Dans la nuit, on entend toujours le canon ( ) positions rien d’important à signaler. 
Dimanche 12 Mai (Pentecôte) 6h1/2.Depuis un moment je suis réveillé. Toute la nuit il est passé des convois de toute sorte. Camions, autos, chevaux. Ils passent. 
Maintenant un régiment d’infanterie. Soudain un ronflement bien connu, c’est un avion allemand. Il fonce vers la colline et mitraille les fantassins, heureusement un avion de chasse français arrive et poursuit l’ennemi. 
Le régiment se camoufle près de nous et y reste tout le jour. Le soir il repart. 
Mais des avions allemands nous survolent et nous sommes repérés. 
Lundi 13 Mai, Réveil de très bonne heure. 20 ou 30 bombardiers survolent notre bois, sans arrêt ils mitraillent et lancent des bombes, nous passons la matinée, allongés dans les fossés. 
De tous cotés les bombes tombent. Il y a des victimes (5 ou 6) et une quinzaine de chevaux sont tués. Une bombe tombe sur un petit bâtiment en bois, dans lequel un soldat prêtre célébrait la messe. Il est très sérieusement blessé ainsi que 2 de ses camarades. 
La vague est passée, nous en profitons pour creuser une tranchée de bombardement. 
16h00 Nouvelle vague, toujours des bombes, nous nous sentons un peu mieux en sécurité dans nos trous. Les liaisons avec les pièces arrivent. Le Capitaine est soucieux. Il faut changer de position. Les chevaux avant-train partent. 
MOUZON a été violemment bombardé. Des bombes sont tombées en divers endroits notamment sur l’école où il ne reste qu’un amas de pierres, de poutre enchevêtrées. Les institutrices sont sous les décombres. L’effet moral produit par les bombes est énorme. Cependant les dégâts matériels et principalement les victimes sont minimes, par rapport aux tonnes d’explosifs lancés. 
20H1/2 Je pars au ravitaillement à 30 kms vers GRANPRE. Le voyage à l’aller se passe sans histoire. 
Je repars de GRANDPRE vers 1 h du matin pour n’arriver au bivouac qu’à 5h30. Toute la nuit j’ai conduit sans phares dans une obscurité quasi complète, des colonnes montantes et descendantes sillonnaient la route sans arrêt. 
Il me fallait me faufiler au travers de cette cohue. 
Mardi 14 Mai. Même refrain que la veille. Les avions allemands nous bombardent. Nous ne comprenons pas pourquoi ils s’acharnent sur des bois qui ne cachaient que des échelons d’unités non combattantes. Plus tard nous en avons l’explication, sans que nous le sachions (depuis le veille nous étions sans liaison téléphonique coupée et sans nouvelles des agents de liaison) les allemands avaient traversé la MEUSE à SEDAN, et n’étaient plus qu’à quelques kilomètres de nous. Ils voulaient sur la route de laquelle nous étions, se pratiquer un débouché. Des soldats de toutes armes commencent à descendre en débandade. 
Les allemands sont tout près nous disent-ils nous ne voulons pas les croire, la matinée se passent, nous déjeunons. Les soldats passent toujours nous encourageant de partir. L’ordre est donné de se replier. Un colonel ou général passe en voiture, il semble complètement abattu, lui aussi nous conseille de partir. Nous nous mettons en route, les chars français composant l’arrière garde de la retraite se mettent en position près de nous et commence à tirer. C’est alors une débandade ahurissante sur toute la route, pendant que des avions allemands nous survolent et tirent à la mitrailleuse. Pas de victime chez nous .A plusieurs kilomètres nous réussissons à nous reformer et à reprendre contact avec quelques éléments du régiment, lesquels comme nous avaient quitté le BOIS DE BERLIERE. 
Sur des kilomètres nous croisons des voitures de réfugiés. Etant le gradé le plus élevé présent, je prends le commandement de la colonne auto et nous campons dans les bois près de SENUC (Ardennes). Nous dînons, le cuistot nous avait préparé un excellent ragoût de lapin (civet). 
Puis vers 20h30, je pars au ravitaillement qui comme la veille est à GRANDPRE. (3e nuit sans sommeil) 
Des avions rodent, sans histoire je prends livraison des vivres vins et fromages. 
Il est 1 h du matin lorsque je quitte la gare. A peine avions nous fait quelques kilomètres que nous sommes ébranlés par de formidables explosions. C’est la gare de GRANDPRE qui était bombardée. Je l’ai su le lendemain, Les rails étaient tordues, les wagons éventrés. Nous l’avions échappé belle. 
MERCREDI 15 Mai Toujours sans nouvelles de la batterie et presque ignorant de la situation du front je me suis mis à la recherche, pour la ravitailler, de ma batterie. Vers 10h1/2 avec une camionnette chargée de vivres je suis parti avec le brigadier d’ordinaire vers MOUZON, CARIGNAN où je pensais trouver les pièces et le Capitaine. Nous avons traversé GRANDPRE, puis THENORGUES  
et BUZANCY qui brûlait. De nombreux cadavres de chevaux jonchaient le sol, près des routes. A STENAY, je me renseigne, les français sont maitres de la ville, il ne reste plus de civil. J’apprends que MOUZON est aux mains des allemands, mais je ne peux pas savoir où est la Batterie. 
Les ponts sur le canal et la MEUSE sont minés, de gros arbres bordant la route sont aux ¾ sciés. Il ne suffit que d’une traction avec une corde pour qu’ils tombent et obstruent la route. Nous allons quand même plus loin en direction de MOUZON, nous passons à MARTINCOURT où nous trouvons des batteries de 75. Elles ne sont pas du 20e. Puis nous rentrons dans INOR. Impossible d’aller plus loin la bataille fait rage, les premières lignes sont à l’extrémité du village. 
Je me renseigne ; le 20e a été vu le matin, il descendait vers MOUZON, mais impossible de savoir où il était. Quoi faire ? Nous retournons vers SENUC mais par une autre route, on nous a signalé que les Allemands, avaient avancé par où nous étions passé le matin. Le retour a été triste quoique allant vers l’arrière. Je n’avais plus mes camarades et je me demandais ce que allait faire de nous. Mais joie à notre arrivée j’apprends à notre arrivée que notre Capitaine était venu pendant mon absence. Grace à quelques renseignements recueillis il avait pu nous retrouver munis des indications données par lui, nous sommes repartis le soir, en reprenant le même chemin pris le matin, jusqu’à STENAY. 
Dans la nuit nous avons traversé les mêmes villages qui brulaient toujours  
(L’avancée allemande contrairement à ce que l’on avait dit n’était pas allée jusque-là) avant STENAY la route escalade un coteau, de là vers l’EST, nous pouvons voir la bataille plus exactement les feux de la bataille, le ciel était rouge. Nous traversons STENAY, la ville est déserte, je ne trouve pas la route d’OLIZY, personne pour nous donner des renseignements. Nous nous égarons, il faut faire demi-tour sur la route, des camionnettes-chenillettes font du bruit, des fusées blanches sont lancées, nous croyons être repérés. Fausse alerte. Nous repartons cette fois sur la bonne route, mais plus nous arrivons aux termes de notre voyage, plus le canon tonne. Nous y sommes c’est la grande bagarre. Je trouve le Capitaine, il m’annonce la perte de 4 pièces qui sont restés aux mains de l’ennemi. Le personnel a pu se dégager en se défendant avec des fusils mitrailleurs. Pas de victimes. De toute part, les 75 tirent sans arrêt et cela pendant 2 jours ½. Les 105 et 185 les accompagnent c’est effarant. 
(4e nuit sans sommeil) Le jour se lève, le Capitaine veut aller chercher 2 de ses canons qui parait-il sont dégagés. Nous partons 5 ou 6 avec lui vers INOR, mais impossible de d’approcher ça chauffe trop. Nous revenons et je dors environ ¾ d’heure. 
JEUDI 16 MAI 
Je pars avec une voiture de liaison au PC du Régiment. J’y trouve le sous-lieutenant JOURDINNEAU. De l’observatoire je regarde la bataille sur un coteau, les obus fusants éclatent au dessus de la tète des fantassins, c’est infernal. Alexandre est près de moi, nous ne voulons pas croire que l’ennemi est aussi près. Il faut se rendre à l’évidence. Sans arrêt notre artillerie tire, les obus passent en sifflant au dessus de nous. Notre mission accomplie nous rentrons à notre échelon avancé. Les avions ennemis recommencent leurs rondes infernales 
Les bombes tombent mais en nombre plus réduit que les jours précédant. 
L’artillerie allemande commence à donner, les 77 tombent drus. Il faudra partir dans la soirée. Je fais une toilette, c’est le 5e jour que je ne me suis pas lavé. 
Je suis allé cherche de l’eau avec un camarade. La source est située dans un bois à flanc de coteau. Après quelques plats ventres nous arrivons… en même temps qu’un avion qui profite de son passage au dessus du bois, pour tirer une bande autour de mitrailleuse. Je joue à cache-cache autour d’un gros arbre. 
Les balles sifflent, coupent des feuilles, mais nous passons au travers. 
En vitesse nous remplissons nos seaux et nous quittons cette source si peu hospitalière. Sur la route, les ambulances passent en longues files. 
Quelle atroce chose la guerre ! Sur une route, des colonnes de soldats montent à l’attaque, tous ces hommes sont pleins de santé, leur visage est grave, ils savent que la haut la bataille fait rage. Plus à gauche, une autre route ce sont des ambulances qui la parcourent. On dirait du travail à la chaine. Horreur 
Près de nous, un jeune allemand blessé grièvement vient d’etre amené au poste de secours couché sur une civière il va être évacué à côté d’un français qui tout à l’heure était son ennemi. Ils sont réunis là dans les souffrances et le seront peut etre dans la mort, car leurs blessures sont bien graves. 
La journée passe et se termine sous le fracas des canons. 
Apres la soupe les obus commencent à tomber plus prés de nous. L’ennemi a allongé son tir. Nous recevons l’ordre de se tenir prêts à gagner un petit bois situé à 2 kilomètres vers l’arrière. Néanmoins nous passons la nuit couchés dans un trou. Je suis près de CARRIERE, les 77 sifflent au dessus de nous, avec impatience nous attendons le levée du jour. Enfin il arrive : mon camion marche mal, il faut traverser un champ en utilisant un chemin de terre. Heureusement il fait beau, sans cela nous n’arrivons pas à nous en sortir. Nous occupons un petit bois déjà remplis de troupe, des 75 sont là, cachés, la gueule pointée vers une route où les chars allemands peuvent déboucher. Ils peuvent toujours attendre !! 
Dans l’après-midi, il faut commencer à creuser des trous pour s’y cacher. 
Les obus tombent à quelques cents mètres de nous, on aperçoit les gerbes de terre et de fumier soulevés par l’explosion. 
Un obus tombe près de la roulante. Nous allons voir l’entonnoir. Des débris d’obus sont épars aux alentours. Fort heureusement il n’y a pas de victimes. 
C’est le 7e jour de bagarre, personne n’a été blessé ou tué à la batterie. Pourtant la mitraille fait rage près de d’un petit village où une de nos quatre sections est en position (NEPVANT) 
C’était trop beau, dans la soirée, un obus est tombé prés de la 1ere section, il y a 6 blessés dont 2 grièvement plus tard, nous avons sus qu’ils étaient morts à POITIERS où ils avaient été évacués. Nous restons dans ce bois 2 jours, la nuit il n’y a pas la possibilité de dormir tant le canon tonne. 
La 3e D.I.N.A le secteur avec succès, mais elle va être relevé. 
SAMEDI soir. A la nuit nous quittons le petit bois pour aller cantonner derrière un petit coteau, c’est tout près mais il faut effectuer plusieurs kilomètres. 
Il fait clair de lune. Dans la nuit il doit y avoir une attaque lancée par les chars français. Dans l’ombre des arbres nous les apercevons qui se disposent à partir. 
Nous traversons STENAY, les marmites tombent sur le bord de la route. 
Un 75, détruit dirige vers le ciel son tube désormais inutile, les servants ont été tués, ils sont encore près de leur pièce. 
La nuit est belle, mais le canon tonne très fort. 
Par un petit chemin, nous arrivons à la ferme de BEAUCLAIR, nous camouflons nos camions dessous les arbres. Accompagnés de CARRIERE et LUSSAN, nous nous dirigeons vers un petit bois pour établir notre campement. 
A peine étions arrivés à la lisière du bois, qu’un tir de barrage s’établit. Un obus tombe à 100 m de nous vers la gauche, un autre un peu plus en avant. Dès le 1er que nous avons entendu siffler nous étions sur le ventre, le nez dans l’herbe. Les obus tombent encore tout autour de nous à des distances plus ou moins variables et le tir s’allongeant nous étions sauvés. La tente fut montée en vitesse et aussitôt nous nous allongeons. A ma petite Mag à mon petit Claude, à tous Je pense bien fort et je me suis endormi bien que la canonnade avait recommencée jusqu’au matin, j’ai dormi sans rien entendre ce fut la première nuit depuis une semaine que j’ai bien dormi. 
Dimanche (19/05) à Mardi soir (21/05). Rien d’important à signaler, sinon des batailles d’avions. 
Mardi soir. Départ pour JEUVREY. Traversés de villages évacués. Des maisons brulent. Je couche dans ma camionnette.  
Dans la journée nous installons notre bureau dans une maison dont les propriétaires sont évacués. Nous installons un lit, avec des draps propres, quelle joie, nous espérons bien dormir. Malheureusement non, à minuit ½ je suis réveillé par un officier de liaison, qui me donne une note, il faut partir immédiatement. 
Adieu la bonne nuit. 
A 1h½, nous démarrons il fait un épais brouillard, heureusement nous pouvons rouler sans être repérés 
MERCREDI (22/05). Nous nous installons dans une ferme près de VILLERS devant DUN. Je couche avec CARRIERE dans la grange, nous restons dans cette ferme une semaine environ ; Rien d’important à signaler. 
Nous profitons de ce calme pour mettre nos papiers à jour. Je me pèse, 80 Kilos 
Avec mes bottes. Je me fais acheter à VERDUN, 1 blaireau et une cuvette en toile « camping » Un soir vers 8h nous partons en direction de LONGUYON 
2 étapes, nous campons … bois ; Dans lesquels nous étions passés 15 jours avant. Toute la nuit, la pluie est tombée, averses. Le lendemain, nous devons embarquer tout notre matériel, (char, canon etc.) sur des camions pour être dirigés vers une direction inconnue. Nous partons en direction de VERDUN. 
Toute la nuit, nous roulons tous feux éteints. Au petit jour, nous débarquons au nord de REVIGNY, près de CHARMONT. En plein midi, nos pièces sont mises en batterie. Des tanks allemands sont à quelques kilomètres. 
(Sans doute pour la première fois de l’Histoire, l’armée française à l’EST fait face à l’armée allemande à l’OUEST, l’encerclement de la ligne Maginot, et des armées en Lorraine et en Alsace commence) 
L’échelon de la batterie est placé à quelques 100 mètres des lignes. Sans cesse un avion d’observation tourne en rond au dessus de notre bois. Dans l’après-midi il nous repère, peu de temps après l’artillerie nous envoie des marmites. 
Nous avons des victimes. Guilbert AMY (il s’agit du fils du maire de Saumur) est tué. 
1 lieutenant est blessé ainsi que plusieurs camarades. Nous sommes isolés, plus d’artillerie, seul un bataillon d’infanterie se bat avec nous. La nuit approche, et à mesure la fusillade diminue. Je suis très fatigué, malgré la bataille qui continue je me couche par terre et je dors.  
SANS DOUTE LE 13 Juin, A 8 heures du matin, le jour apparait et avec lui recommence avec plus de force les tirs des pièces ennemis. Les obus tombent sans arrêt autour de nous. Nous sommes dans le fossé quand arrivent de nombreux camarades (15 env.) plus ou moins grièvement blessés. Quelle tristesse eux si pleins de vie 24 heures plus tôt. Il n’y a pas de docteur… Avec CHARRIER, LUSSAN nous les soignons sommairement, mais les allemands avancent toujours. A 200/300 mètres il y a une mitrailleuse dont les balles commencent à siffler au dessus de nous, il faudra évacuer. Sous le bombardement, couché sur la route, je m’efforce de confectionner un anneau de fil de fer nécessaire pour transporter un de nos canons lequel est hors d’usage. J’y parviens, mais ce camion restera, nous abandonnons tout et partons avec les avant-trains et les camions. Les marmites tombent sur la route, la poussière vole. A la sortie du bois, je m’arrête pour prendre un blessé qui râlait sur une civière, heureusement car devant ma camionnette, à 20/30 mètres un obus tombe juste après le passage de la voiture que je suivais. 
A toute vitesse je fonce en évitant l’entonnoir pour atteindre un carrefour où la route sera masquée. Heureusement que les tirs ne sont pas très précis car aucun élément de notre convoi n’est touché. Après plusieurs kilomètres, nous respirons, nous sommes hors d’atteinte de l’artillerie. Nous sommes dispersés, les tourismes d’un côté, les chevaux de l’autre et les camions dont je suis parmi les conducteurs se retrouvent dans un petit pays vide de ses habitants. Apres un camouflage soigné du matériel, devenu chef de détachement j’envoie une liaison à la recherche de notre capitaine. Les avions ennemis nous survolent mais ne nous bombardent pas. 
Dans le courant de l’après-midi la colonne hippomobile nous rejoint. A la nuit nous devons partir en direction de BAR LE DUC (20h) nous arrivons seulement le matin. Les allemands y arrivent en même temps, il faut partir plus loin, à partir de ce jour et jusqu’au 23 Juin nous avons battu en retraite. Le jour nous restons camouflés et la nuit nous roulons tous feux éteints (BAR LE DUC, LIGNY EN BARROIS, DOMREMY (patrie de Jeanne d’Arc) NEUFCHATEAU LAMARCHE 
23 Juin nous sommes faits prisonniers à VAUDEMONT (montagne de SION) 
 
23 Juin 1940 Premier jour de captivité. Nous sommes enfermés dans un pré. Nous espérons que dans peu de jours nous serons libérés. Nous sommes prisonniers d’honneur, étant fait prisonniers après l’armistice  
24.7.40 Après plusieurs étapes à pied nous sommes arrivés à Chalons sur Marne. Je retrouve Robert GENNETAY (de DOUE, soldat au 20e RANA) j’en suis très heureux 
25.8.40 Je reçois la première lettre de MAG. J’ai des nouvelles de tous 
Mercredi 28.8 MARCEL (son beau-frère démobilisé en Juillet) est à CHALONS. Avec difficulté j’arrive à lui parler.Il m’apporte 2 lettres de MAG, et la visite de PAPA pour le début de la semaine prochaine. J’ai reçu aussi 2 colis de MAG, et celui remis par MARCEL Je m’installe avec 2 camarades dans une petite chambre 
Dimanche 1.9 De mauvaises nouvelles circulent. 4000 prisonniers doivent partir pour une destination inconnue mais que nous devinons. Je ne suis pas désigné pour ce départ car je travaille dans un bureau au bloc. Je suis bien content surtout que Papa doit venir et j’espère la réussite de ces démarches. Cependant j’ai une certaine appréhension. En effet le lendemain jour du 2emé départ, je suis cueilli, une cinquantaine de camarades se sont camouflés et comme il faut absolument que le nombre y soit et que le moment du départ est arrivé au hasard nous avons été embarqués je suis très triste de ce départ. Je pense à toute ma famille qui lorsque PAPA reviendra, apprendra cette triste réalité. Nous partons en Allemagne, je suis résigné, d’ailleurs quoi faire ?? Il faut suivre son sort Souvent très souvent je pense à petite MAG à petit CLAUDE à tous. 
A 12H30, le train démarre, nous sommes 40 enfermés dans un wagon de marchandises. J’ai réussi à joindre GENNETAY, 2 ou 3 instituteurs sont nos voisins. Le train file vers le Nord, REIMS, LAON, HIRSON 
Pour chasser le cafard, nous regardons le paysage qui défile devant nous. 
La nuit approche tandis que nous passons la frontière belge, Nous nous couchons, rangés comme des sardines dans une boite, nous dormons mal. 
Toujours je pense aux êtres chéris dont je m’éloigne à chaque tour de roue. Nous ne roulons presque pas au cours de la nuit ; Au petit jour, dans la brume, bous traversons la campagne belge. Bientôt nous arrivons à CHARLEROI 
Grande ville qui semble avoir souffert des bombardements. Les ponts sont sautés Puis c’est GEMBLOUX, NAMUR, la ligne court tout le long de la Meuse, Le paysage est très beau d’un côté la rivière, l’autre coté est bardé de rochers, notamment par ceux où le Roi des Belges (ALBERT 1er en 1935) s’est tué à MARCHE LES DAMES, 
Nous passons NAMUR, LIEGE, partout les Belges manifestent leur sympathie 
Fruits, bonbons, café nous sont donnés. Puis la nuit arrive, on arrive en Hollande. 
Les Hollandais sont plus réservés cependant pendant au cours d’un arrêt ils nous offrent cigarettes, chocolats, eau, nous approchons de la ligne SIEGFRIED puis nous entrons en Allemagne, une grande gare dont nous ne pouvons voir le nom. Le train se remet en marche et c’est dans l’obscurité que l’on traverse le RHIN, le train s’immobilise ensuite en gare de BOLHOD et nous y passons la nuit, toujours enfermés dans notre wagon .Le matin à 8 heures, le train démarre et nous conduit à quelques kilomètres de BUCHOLD dans un camp de prisonniers. Il semble que ce soit un ancien camp de travail. Le camp n’a rien de rébarbatif à part le double barrage de fil de fer, qui nous rappelle à la réalité. 
Immédiatement nous sommes fouillés ; Visite sommaire, quelques objets me sont enlevés à 11 h, nous avons la soupe, 1 litre de bouillon, et ¼ … de pomme de terre, tout cela servi dans une ancienne assiette creuse (petit saladier) 
L’après-midi nous sommes immatriculés, désinfectés, et douchés. Nous sommes ainsi prêts à partir pour le travail, Je suis toujours avec GENNETAY. Chaque jour qui passe, maintenant se ressemble, réveil 6h, café, appel 7h jusqu’à 8 et demi. Casse-croûte, pain graisse ou miel, rassemblement pour la répartition, 10h ½ et demi soupe, 1 litre, café, 2 eme rassemblement jusqu’à 3h ½ soupe à 17h30 . 18H00 appel 
Mardi 10/9 Rassemblement, je suis désigné avec GENNETAY et des camarades pour former une équipe 
Vendredi après-midi, la pluie tombe averses, nous ne travaillons pas et rentrons à la « barake » nous jouons à la belote, Samedi travail jusqu’à 12h. Repos jusqu’à Lundi. Nous touchons des savons, je fais ma lessive. Dimanche, tout est triste, je lis, je joue aux cartes, mais ma pensée s’en va vers les miens. Quel jour heureux quand je serai près des miens Il 19h45, la pluie tombe, je vais me coucher. Bonsoir vous tous. Bonsoir Petite MAG, et Petit CLAUDE. 
Les jours passent même programme 
Samedi 21/9 Je me déboite l’épaule en piochant dans les cailloux (même blessure lors d’une chute de cheval pendant son service national en 29) 
8 jours de repos et évacuation au stalag ; GENNETAY se foule un poignet, lui aussi sera évacué 
Mardi 24/9 GENNETAY a des poux, en qualité de voisin de lit, je l’accompagne à la désinfection à DUISBOURG (voyage par le train 10 kms) puis traversée de toute la ville. Belles rues et magasins bien achalandés Pont sur la RHUR et le RHIN, nous revenons l’après-midi. 
Les jours suivants et jusqu’à notre départ nous épluchons des pommes de terre. 
Samedi 28/9 A 9h nous partons pour le stalag VI F, DUISBOURG-OBERHSN, WESEL S/ RHIN, et BOCHOLT. Après les formalités d’entrée, nous sommes dirigés vers une baraque de passage ; 
1/10 Une fois de plus, nous passons à la désinfection avec en plus la tête rasée !!! 
Protestations, rien à faire, GENNETAY et moi nous rions de nos nouvelles têtes,  
6/10 Des camarades (1600) arrivent de France (VERDUN) Ils ne connaissent pas plus de nouvelles que nous (Alliance Allemagne-Italie-Japon) 
7/10 Déclarés aptes pour le travail, nous passons dans le camp de répartition. 
Nous sommes réunis par professions, (matricule 38.245, commando 702F) 
10/10 9h Départ pour le stalag VI J KREFFEL, c’est un ancien camp de jeunesse, nous y restons une demi-journée. Le soir, nous sommes arrivés dans notre nouveau lieu de travail. Sucreries. 12 heures de travail par jour,  
1 km du Kommando, lequel est très inconfortable. Mauvaise aération, lavabos à tous les vents, et waters infects. Nous coucherons dans les lits des camarades qui travaillent la nuit. La nourriture est suffisante, mais peu variée. GENNETAY est affecté à une presse (50 à 60 °) mis démocrativement on me fait décharger des betteraves. Le travail est trop pénible, mon épaule me fait mal, je dois changer un prochain jour. 
13/10 Nouveau service qui consiste à nettoyer des wagons. Ensuite je tombe et me déboîter l’épaule. Impossible de la remettre moi-même ; Je suis conduit par le docteur, il est minuit, après 2 tentatives infructueuses, le Docteur ASBAUM de DORMINGEN me la remet après une anesthésie  
10 jours de repos 
19/10 Carte de CLAUDE 
21/10 Nouvel visite, je suis évacué sur KREFEL à l’infirmerie, je quitte GENNETAY, avec beaucoup de regret 
22/10 Poids 71, 5 kg (en pantalon) 
25//10 Commission américaine 
29/10 1er colis de MAG, il est parti de DOUE le 5/10 
24/10 2eme lettre à MAG 
30/10 Je quitte l’infirmerie Poids 70 kg (en pantalon) 
Je trouve un «pays » ALBERT GENEVAISE de GREZILLE 
31/10 Départ pour BUTRICK 
1/11 1er jour de travail à la fonderie BOHLER, je fais équipe 12h / 36 h, alternativement jour et nuit. Nous polissons des lingots d’acier à l’aide d’une machine, il y a 4 civils avec nous. 
4/11 Je suis de corvée pour la Poste. Quelle joie je reçois un gros colis de Petite MAG 
10/11 Je reçois une lettre de MAG du 24/8 adressée à CHALONS 
 
Pendant 4 ans plusieurs centaines de lettres envoyées par MAG. 
En 44 le stalag 6J est déplacé à DORSTEN, sur l’autre rive de la rivière 

 
28/2/45 Départ de HEERDT, arrivé à 7h à HOWINCKEL (Somerhause) 
10/03 GEVELSBERG Fonderie 
11/03 LUDENSCHEIM 
12/03 Le Pré de NEUENRADE 
13/03 STOCKMUN 
22/03 Départ à 19h 
23/03 Arrivée 7h matin SCHEIDENGEN, camp d’aviation 
24/03 Arrivée 7h TERMIGERLOG 
25/03 Arrivée 8h VERSMOG 
1/04 Arrivée 22h MELLE 
2/04 WEHRENDORF 
¾ FISTOL Passage du canal, obus et tanks américains 
5/04 LANDERBERGEN 
6/04 HAGEN 
7/04 17H00 NIEDERSTOCKEN 
8/04 19H00 TICJERLOHE 
9/04 DOSHEM 
12/04 YLSTER 
13/04 OERZEB 
14/04 EHLBECK 
16/04 Halte à ILSTER pour déjeuner  
 
Après une marche de plus de 350 km, vers HANOVRE le dénouement 
Les gardiens vétérans allemands s’éclipsent pour échapper à la captivité et surtout à l’armée Rouge.

Arrivée 17H30 Rencontre avec les anglais à REHLINGEN (5 Km au-delà de MUNSTER Basse Saxe).
 
Le même jour, à proximité, l’armée anglaise libère le camp de concentration de BERGEN-BELSEN où se trouvait Simone WEIL
 

17 AVRIL 1945 Première étape vers le retour BECKERDORF  
18 AVRIL 1945 Repos et départ vers 17H30 HUXAL 
19 AVRIL 1945 CELLES (+2 Km) achat d’un coq, bonne réception du fermier  
20 AVRIL 1945 ALTWARMBUCHEN grande ferme aux asperges Visite aux villages voisins 
22 AVRIL 1945 GUMMER réception au château, diner à l’office, couché dans l’écurie aux chevaux 
23 AVRIL 1945 HATTENDORF, couché dans l’étable 
24 AVRIL 1945 KRUCKERBERG, abondance de pommiers en fleurs, bain dans le ruisseau 
27 AVRIL au 5 MAI 1945 HAMELN, enregistrement n°1006 
5 MAI HILDESHEIM Espoir de rentrer par avions, déjeuner à la Croix-Rouge anglaise, l’après-midi à la Croix-Rouge américaine, où j’écris. Atmosphère sympathique. Musique. Danse. 
7 MAI Embarquement gare HILDESHEIM. 30 dans un grand wagon. Joie du départ, le convoi est couvert de lilas, direction HAMELN où nous arrivons vers 2h, pour apprendre que la voie est coupée. Attente jusqu’au soir et nous repartons vers le point de départ pour aller sur HANOVRE, Nous roulons jusqu’à LEHSTE où nous dormons sur une voie de garage. Départ le lendemain direction MUNSTER, tout va bien, …, puis panne de la locomotive de 9h1/2 jusqu’à 1H1/2. BIEDEFELD, paysage dévasté, viaduc effondré, voie détourné.

Robert GIRAULT retrouvera la France début Mai à CHARLEVILLE-MEZIERES où il pourra envoyer un télégramme à MARGUERITE, postière à DOUE LA FONTAINE 
Arrivé à Paris, il retrouve son ex beau-frère dans le Métro, puis son fils CLAUDE, à Neuilly, où il était en apprentissage chez MARCEL qui était venu le voir à CHALONS SUR MARNE. 
Et enfin MARGUERITE gare d’Angers ST LAUD après plus de 5 ans de séparation 
Épilogue : il retournera à la Fonderie BOHLER quelques années plus tard, pour des retrouvailles chaleureuses avec la plupart des vieux ouvriers allemands…

Remerciements : Joël GIRAULT, son petit-fils.