Lettre adressée au Dr Bouchet
" Il y a eu des types épatants, tels ces paysans qui sont venus spontanément se mettre sous mes ordres et m’ont dit avoir des armes cachées. Eux aussi s’étaient " engagés " ! tel mon menuisier Radotin, tel Grasset du Cheval Blanc, tel le notaire Cassin de Thouars, tel M. Gault d’Orbé.
A partir de mon retour en zone occupée après ma démobilisation (20 sept. 1940) j’ai jeté les bases d’une organisation anti-allemande. Pour cela, j’ai pressenti autour de moi et sur une étendue correspondant d’abord aux limites de ma clientèle, tous ceux que je pensais dans les mêmes sentiments que moi même. J’ai découvert rapidement que Gabriel Richetta, percepteur à Thouars, avait de son côté commencé à créer une organisation paramilitaire. Il s’est mis spontanément sous mes ordres et nous avons continué ensemble à créer des cellules dans les villages du nord du département, dans la Vienne et l’Indre et Loire où j’ai été particulièrement aidé par le docteur Pierre Labussière (mort en déportation), de Chinon, et par le docteur Massonaud de Richelieu. Nous avons fait avec nos hommes la récolte des armes sur les anciens lieux de combat et nous les avons entreposées en particulier chez les Pichot de Tourtenay et chez Chudreau d’Auboué. D’autres ont gardé chez eux de petits contingents d’armes. Dans ma tâche, j’ai été aidé par diverses personnes et dès le début par le Dr Jean Gallot et par le Dr André Colas qui, on le verra, a joué un rôle magnifique dans la résistance. En même temps, tout en augmentant le nombre des cellules, aidé souvent par des médecins, tels Pierre Cacault de Bressuire, Chaudron des Aubiers, nous avons fait une propagande intensive contre Vichy et contre les occupants. Nous l’avons faite à ciel ouvert et j’ai mis constamment mon autorité en jeu. Dans cette propagande, j’ai été aidé très effectivement par M. Henri Delalande de Thouars qui a été particulièrement courageux. J’ai parlé de la question avec le Dr Daniel Bouchet de St Loup sut Thouet qui dès le début a été pleinement avec nous et qui a joué par la suite un rôle splendide dans son coin. A Montreuil-Bellay (49), j’ai eu un lieutenant très actif (propagande, dépôts d’armes, renseignements) en la personne du gendarme Clairo dont toute la famille a été résistante. Tous les gendarmes de Thouars, à l’exception de leur adjudant ont agi.
Je tiens à rendre hommage à Suiro, instituteur à Massais et à Melle. Odette Meignier, institutrice à Courcoué (37) qui ont été des tout premiers. De même m’a aidé le Dr Claude Sarrasin alors installé à Parcay les Pains (49).
Sans avoir le contact avec Londres, nous avons commencé à établir notre système de renseignements et je me suis mis en quête pour obtenir ce contact. Que de difficultés ! que de pas, de contre pas, de faux pas ! A Paris, à Rochefort, où nous avons failli tomber dans un piège grave, j’ai vu toutes sortes de personnes. Mais ce n’a été qu’au début de 1941 que ce contact a été trouvé grâce à mon ami Stan de la Débuterie. De Londres, début mars 1941, nous avons reçu un émissaire avec des instructions, c’était Gilbert Renault dit Rémy ou Colonel Roullier sous les ordres de qui nous nous sommes spontanément placés. Avec la Débuterie nous sommes partagés la question " renseignements ", moi restant ici en second. J’ai gardé ma liberté et le commandement en ce qui concernait l’organisation paramilitaire.
Nous avons hébergé l’émetteur de Radio Lhermitte qui a travaillé de longs jours durant dans le service médical du Dr Colas à l’hôpital de Thouars, puis chez Chudreau avant que nous l’ayons placé à Saumur par l’entremise de Decker (mort en déportation) où il a été arrêté en plein " travail ". Lhermitte a été exécuté. Il n’a pas parlé. J’ai servi à ce moment de boîte aux lettres terminale et initiale. Nous avons reçu des émissaires tels Maugé, Prince. La famille Richetta s’est comportée magnifiquement. S’est bien comporté aussi Gabriel Braud de Thouars.