BONNET Jules

BONNET Jules
Véniers 28 Mars 1891 - Angliers 31 Mars 1970
Inscrit sous le N° 16 de la liste de Loudun.
Classé dans la 1ère partie de la liste en 1912. 
Incorporé (au 4e Régiment de Zouaves) à compter du 13 octobre 1912, dirigé le 14 octobre 1912 arrivé au Corps le 18 octobre 1912dit jour et Soldat de 2e classe. 
Caporal le 10 Décembre 1913. 
Passé au 8e Régiment de titailleurs le 24 août 1914 (Division du Général Commandant la D.O.T. du 20 août 1914). 
Passé dans la réserve de l'armée active le 1er Octobre 1914. 
Sergent le 30 Décembre 1914. 
Adjudant le 1er décembre 1916. 
Nommé Sous-Lieutenant à Titre Temporaire par Décret du 2 Janvier 1918. 
Mis en congé illimité le 20 Août 1919. 8è Échelon, N° 391. 
Affecté dans la Réserve au 32e Régiment d'Infanterie par D.M. du 27 Novembre 1920. - Rang d'ancienneté de Sous-Lieutenant fixé au 16 Juin 1919 J.O. du 6 avril 1923. 
Affecté à la classe de mobilistion de 1909 le 20 Octobre 1923 (art. 58) père de 1 enfant. 
Promu Lieutenant de réserve pour prendre rang du 12 avril 1923 - décret du 21 septembre 1924. JO du 5 octobre 1924. 
Affecté au Centre de Mobilisation d'Infanterie N° 92 le 1er Janvier 1928 par Décision Ministérielle du 29 Décembre 1927. 
Passé au Centre de Mobilisation d'Infanterie N° 93 par Décision Ministérielle du 8 Mars 1936 (J.O. des 9 et 10 Mars 1936. 
Rappelé à l'activité par ordre d'appel Arrivé au Corps le 30 Août 1939 et affecté au 99e Régiment Régional Dépôt d'Infanterie 93 Par D.M. 201 1/E M.A. du 4-1-1940 le 99e Régiment régional est rattaché au dépôt 94 à Angoulème. 
Passé au 91e Régiment Régional le 25 Novembre 1939. (dépôt Infanterie n° 92). 
 
Blessures, Citations, Décorations. 
Citations 
Cité à l'ordre de la D/OG N° 100 du 19 janvier 1916, de la D.O.T. pour s'être distingué lors du torpillage du 'Calvados' le 4 Novembre 1915. 
Ordre de la Brigade N° 68 du 27 Août 1916 - 'S'est particulièrement distingué pendant les trois séjours de Verdun où il a donné des exemples répétés de sang-froid de courage et de bravoure. A été blessé au cours d'une des trois périodes. 
Ordre de la 76e Brigade O.R.M. N° 31 du 31 Décembre 1916 'Mitrailleur plein de bravoure, s'est maintes fois distingué au cours des circonstances dangereuses. A donné encore le plus bel exemple de courage et d'énergie pendant l'attaque du 15 Décembre 1916 et les dures journées de combat qui ont suivi.'. 
Ordre général de la 38e Division N° 197 du 21 avril 1918 'Chef de Section d'une bravoure remarquable. Durant les dernières opérations, a entraîné magnifiquement sa Section à l'assaut d'une forte position immense dont il s'est emparé après un combat acharné. Blessé au cours du combat, n'a consenti à se faire évacuer qu'après avoir laisé les instructions nécessaires à la continuation de la lutte'. 
Ordre du Régiment N° 38 du 24 Avril 1918 (8e de marche) Médaille Militaire à compter du 25 Juillet 1918 par arrêté Ministériel du 14 Novembre 1918 'Alors que sa Compagnie se portait à l'attaque des positions ennemies en collaboration avec des chars d'assaut, a entraîné sa section avec une bravoure superbe sur un terrain battu par les mitrailleuses et soumis à un barrage intense d'artillerie. Les chars d'assaut ayant été mis hors d'usage, a enlevé la mitrailleuse du plus rapproché et l'a servie pendant la progresion. A facilité par un mouvement d'encerclement hardi la chute d'un village'. Une blessure. 2 citations. Croix de Guerre avec palme. 
Blessures 
Blessé le 4 Novembre 1915 au cours du torpillage du 'Calvados'. 
Blessé le 28 Mars 1918 'Plaie en séton par balle à l'épaule droite'. 
Intoxiqué par 'Ypérite' le 21 Août 1918. 
Décorations Chevalier de la Légion d'Honneur (sans traitement) Décret du 9 Novembre 1927. J.O. du 11 Novembre 1927. 
Médaille Militaire 
Croix de Guerre 
Médaille Interalliée 
Médaille Commémorative de la Grande Guerre 
Médaille de la Conduite distinguée (Angleterre) Avis Ministériel du 3 Août 1920 
Citation à l'ordre de la Xème Armée N° 343 du 10 Octobre 1918 : 'Quoique fortement intoxiqé est resté seul Officier à la Compagnie, a pris le commandement de cette unité très éprouvée par les gaz, l'a énergiquement entraînée à l'assaut, n'a onsenti à se faire évacuer qu'à la dernière extrémité après la réussite. A du être emporté ayant temporairement perdu l'usage de la vue. Deux blessures'. 
 
Campagnes. 
En Tunisie du 18 Octobre 1912 au 20 Août 1914 
Contre l'Allemagne 
A l'Intérieur (C.S.) du 21 Août 1914 au 9 Septembre 1914 
Aux Armées (C.D.) du 10 Septembre 1914 au 29 Octobre 1915 
A l'Intérieur (C.S.) du 30 Octobre1915 au 1er Novembre 1915 
Sur Mer (CD.D) du 2 Novembre 1915 au 6 Novembre 1915 
A l'intérieur (C.D.) (B.d.G.) du 7 Novembre 1915 au 6 Novembre 1916 
En Algérie d 7 Novembre 1916 au 30 Novembre 1916 
Aux Armées (C.D.) du 1er Décembre 1916 au 28 Mars 1918 
A l'Intérieur (C.D.) du 29 Mars 1918 au 28 Avril 1918 
Aux Armées (C.D.) du 29 Avril 1918 au 21 Août 1918 
A l'Intérieur (C/D/) du 22 Août 1918 au 19 Août 1919
Archives Départementales de la Vienne - Registres Matricules - Châtellerault - 1911 14
Guerre 39-45. 
28 Août 1939 : Mobilisé au Blanc, 99e R.R., 4e Bataillon. 
25 Novembre 1939 Affecté au 3e R.R., 13e Compagnie. 
27 Novembre 19139 Muté au 91e R.R., 1er Bataillon. 
22 Mars 1940, Prisonnier près de Maulévrier. 
30 Juin Camp de prisonniers à Auvours (Sarthe). 
9 Départ pour l'Allemage. 
14 Septempbre Arrivé à Lienz, OFLAG XVIII A.
Journal ci-après
Les Conscrits d'Angliers en 1911 - Jules BONNET tient le drapeau
Citation Ordre de l'Armée 10 Octobre 1918 - Général MANGIN
Médaille Militaire - 14 Novembre 1918
Mariage de Jules BONNET et Jeanne GAULTIER - 25 Septembre 1919
Promu Sous-Lieutenant - J.O. 6 Avril 1923 ( Lien )
Promu Lieutenant - J.O. 5 Octobre 1924 ( Lien )
Attribution Légion d'Honneur - J.O. 11 Novembre 1927 ( Lien )
Affectation au C.M.I. 93 J.O. 9 et 10 Mars 1936 ( Lien )
Tableau de médailles
Journal - Guerre 1939-1945
Documents : Mme BONNET Georges
Transcription ci-après
 Lt Bonnet. 
  
Camp de prisonniers. Officiers Français (736) à Lienz-Drau ancienne Autriche. Vallée de la Drave. 
A mes deux garçons – Robert et André. 
J'aurais bientôt 50 ans et après avoir fait la grande guerre 1914-18, s'être battu avec acharnement pendant quatre années et demie sans jamais qu'un Allemand ne m'ait mis la main dessus. Seulement blessé deux fois et un bain forcé de 30 heures en Méditerranée après un torpillage, il m'a fallu être mobilisé à nouveau au mois de Septembre 1939 pour arriver à être prisonnier sur ordre du commandement en Juin 1940. Cela est difficile à passer sous silence. Aussi pendant mes longs moments d'oisiveté et de solitude dus à ma captivité, je tâche de reporter les faits et péripéties avant et pendant cette captivité. 
Mobilisé par ordre spécial en vertu de la missive 200, je quitte mon foyer le 28 Août 1939 au soir, mon petit André vient m'accompagner au car, tout le monde a le cœur gros. Partir en plein travaux de battage. 
Je dois rejoindre à Le Blanc où je n'arrive que le lendemain après avoir passé une nuit dans la gare de Poitiers. 
  
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Là, je trouve un camarade, un nommé Verdon de Rouen où il est employé de chemin de fer. 
Nous sommes affectés au 99e R.R. 4e Bon, moi à la 17e Cie. J'ai le commandement de la mitrailleuse et quelques jours plus tard celui de la Cie en plus, le camarade Chieulet, un joyeux méridional, ayant été hospitalisé. 
Tous les hommes appelés sont du départ de l'Indre en général et tous d'une très bonne mentalité. Je tombe sur des sous-officiers très sympathiques J'ai noté quelques uns. Dufour Marcel cultivateur à Diou. Chabrolles cafetier à Reuilly, Lachau de Valençay, et un nommé Deschamps Raymond propriétaire à St Valentin faisant fonction d'ordonnance. 
De tous je garde un souvenir excellent. 
Nous passons trois mois de vrai beau temps au Blanc, malheureusement l'organisation est mauvaise, pas d'effets pour habiller les hommes, beaucoup d'officiers formant les cadres des Bons sont des engagés volontaires pour la durée de la guerre et tous sont venus par intérêt espérant cumuler traitement retraite ou pension. 
Au point de vue commandement, ils ne valent rien et quant à la camaraderie il ne faut pas en parler. 
  
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Néanmoins je garde un bon souvenir pour le Capitaine Vien qui commandait le Bon, celui-là était encore assez franc et brave. 
Après trois mois de vie plus ou moins mouvementée par des changements de cantonnements la désorganisation est complète et c'est la séparation. Le Bon est dissout – réaffectation à un autre le 3e cantonné à Avort. Je suis à la 13e Cie Capitaine Barrère- Lt Bodart et Vaysse et moi:Orléans. 
Ceci se passe vers le 25 Novembre et le 27 je suis muté au 91e R.R. À Tours avec 15 hommes lesquels sont récupérés dans mon ancienne Cie la 17ème. 
A mon arrivée à Tours mes hommes sont répartis au 1er Bon cantonné à La Riche- Commandant Peuch. Quant à moi je suis sans affectation dans ce Bon. Tous les officiers qui encadrent viennent des chars de combat. 
Le colonel Dumas auquel je me présente le lendemain me demande si je veux aller à Thouars,  cela ne me tente pas, il me demande d'attendre quelques jours et après être venu passer 48 heures à Triou je suis affecté à mon retour au 4e Bon à Joué-les-Tours, Commandant Giraudeau – Adjt Capitaine Micheneau. 
Je prends le commandement de la 1ère Cie en remplacement du Lieut. Riquet âgé de 68 ans et radié des cadres à son grand regret 
  
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étant lui aussi engagé volontaire pour la défense du territoire. Parmi les officiers, je retrouve un vieux camarade de période au camp du Ruchard, le capitaine Audebeaud qui commande la 18e Cie la 19e est commandée par le lieut. Morez et la 20e par le capitaine Daiz, cette dernière assure la garde à la poudrerie du Ripault. 
Après un séjour de trois mois passé à ne faire que des mutations d'une unité à l'autre et envoyer les hommes en permission agricole ce qui est très difficultueux du point de vue commandement, les hommes n'ont qu'un désir  : retourner chez eux et chose bizarre tout le monde devient cultivateur métier renié depuis déjà pas mal d'années, enfin  ! 
Dans les derniers jours de Mars, le Bon est dissout pour je ne sais quelle raison, ma Cie reste constituée et passe au 2e Bon stationné à Angers. 
Ma mission sera d'assurer le service au camp de Montreuil-Bellay quand celui-ci sera terminé. Cette perspective apaise un peu mon mécontentement, car je commence à trouver tous ces déplacements de mauvais goût. Surtout que c'est toujours les mêmes qui s'appuient ces corvées. 
Je quitte donc Joué-les-Tours le 29 Février, nous embarquons à Joué même et arrivons à Angers dans l'après-midi. 
  
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Ma réception à mon arrivée n'est pas des plus coutoise de la part du chef de Bon. Ce dernier prétendant que je peux installer toute ma compagnie dans une grande salle de gymnastique ituée Rue Gate Argent. Les hommes – bureau – magasin – cuisine tout d'après lui peut s'organiser dans ce local. 
Après une discussion quelque peu orageuse : il me donne carte blanche pour m'installer à ma fantaisie. Ayant trouvé rue de la Revaillère une ancienne usine inoccupée, j'y installe mon bureau, mess des sous-officiers, cuisine et quelques jours après nous sommes confortablement installés. 
Les autres Cies du Bon sont en caserne biens installées à tout point de vue. La 6ème au quartier Harcourt, la 7e au Haut Paule la 9e D.P. (Défense Passive) à la bourse du travail et enfin la 8e Cie est à Saumur pour y assurer différents services de garde. Aucune modification au point de vue service. C'est toujours des mutations. L'avalanche des papiers continue. Départ des permissionnaires de 30 jours, des hommes appelés aujourd'hui repartent en permission deux ou trois jours après. 
Pourquoi avoir mobilisé tous ces gens? La mentalité générale est devenue impossible, ce n'est que réclamation de toute part. Ce train de vie dure jusqu'au 25 mai à peu près. Quand sous la poussée allemande, l'exode des civils de toutes les régions 
  
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commence. Belges, Français du Nord, de l'Est et de la Somme, tous fuient devant l'envahisseur. 
Beaucoup ont leur voiture traversée par les balles des mitrailleuses, des chariots de toutes sortes passent également remplies de femmes, enfants. Quelques uns ont jusqu'à des petits poulains dans des voitures. Dire que cela fait la euxième fois que je vois ce spectacle. Seulement la première fois en 1914 je n'y prêtais pas la même attention. C'est vrai que ma position n'est pas la même à cette époque déjà lointaine, j'avais 23 ans et nous nous battions autrement et maintenant me voilà à la cinquantaine les idées ont bien changé si les sentiments sont restés les mêmes. 
Des voitures pleines d'officiers avec leurs femmes peut-être, des soldats de toutes les armes passent mêlés parmi les fuyards. J'ai nettement l'impression d'un désordre sans précédent qu'il n'y a plus de contrôle nulle part ni commandement.  C'est la débâcle fatale. Où sont donc les chefs et les soldats de 14? Hélas je crois bien qu'il n'en existe plus. Il n'y a plus que des lâches. Quelque chose m'étreint et j'ai l'impression très nette que nous sommes perdus. C'est la débâcle complète dans quelques jours l'ennemi sera sur les bords de la Loire. C'est effrayant. Je me demande comment nous sommes tombés si bas. 
  
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Un Service de contrôle s'organise sur les ponts de la Loire, cette mission m'incombe. Je suis chargé de fournir plusieurs postes sur ces ponts. Ingrandes, Montjean, Chalonnes S/Loire, Béhuard, les Ponts de Cé et St Mathurin. 
Je détache donc un s/officier et six hommes à chacun de ces postes le 26 Mai. Le 8 juin, j'en renforce quelques uns de chacun huit hommes avec F.M. En plus du contrôle il faut organiser la défensive. 
Je ne pense pas que ce soit avec des F.M. Que l'on interdira le passage le la Loire. Le 12 juin je reçois en renforcement une Cie de Tirailleurs venant de Verneuil. Cette dernière est répartie moitié à St Mathurin moitié au Ponts de Cé. Cette unité est administrée par moi ce qui me donne un supplément de travail surtout au point de vue alimentation. 
Deux chars de combats sont envoyés de je ne sais où – deux vieux coucous – sur lesquels est placé un F.M. Seulement. 
Comme organisation défensive, c'est rassurant. Surtout que les boches avancent à toute allure. 
Dans la ville d'Angers, c'est la panique, tout le monde civil cherche à fuir éperduement. 
Le 16 nous sommes bombardés par l'aviation en plein midi. Quelques bombes tombent à la gare St Laud faisant quelques 
  
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victimes, et démolissant une maison ou deux. 
A la maître école plusieurs bombes tombent sur la voie coûtant des dégâts matériels et blessant quelques hommes du Bon. La nuit j'y fais assurer un service de surveillance quelques unes des bombes n'ayant pas éclaté. 
Le 18 au matin, à cinq heures mon ordce Mougin vient à ma chambre où il me trouve debout ma propriétaire Mme Maret est prête à partir pour Toulouse avec tout le personnel de la Banque de France à laquelle il m'a fallu mettre du personnel à sa disposition pour embarquer tout l'argent se trouvant dans les caves de la Banque. L'ordre vient d'arriver de se tenir prêt à partir au premier signal, nous emballons tout ce que nous avons de plus précieux n'ayant comme moyen de transport qu'une camionnette. Nous passons toute la journée dans l'attente, les hommes sont impatients, inquiets, beaucoup étant de la région ont envie de filer en vitesse chez eux. Je ne puis de ma propre autorité les y autoriser. 
Et quand je reçois le message du Bon à L'A d'avoir à me diriger sur Maulévrier tout le monde sauf deux est présent. L'ordre est ainsi rédigé  : Rassemblement des cies à Maulévrier le 20, le mouvement se fera immédiatement à l'initiative du commandant de cie, aucun itinéraire n'est fixé et je 
  
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n'ai même pas de carte. 
Le commandant file en voiture avec tout son état-major et nous il nous laisse royalement tomber : aucune voiture à notre disposition, même pas de médecin, ce monsieur a suivi le Comnt en un mot rien, débrouille toi. 
Avec des hommes âgés, pas entraînés, quelques-uns boiteux et en plus chargés outre mesure, c'est un déplacement plus de chance en perspective sans aucun doute. 
Nous quittons la rue de Revaillère à 6h direction les Ponts de Cé où nous arrivons sans encombre. Là nous sommes doublés par un convoi d'artillerie. C'est navrant, les chevaux sont dans un état de pauvreté inexprimable, aucune pièce d'artillerie, quelques fourgons et fourrages chargés d'hommes et de bagages. Des officiers point, où tous partis devant à toute allure en auto pour la plupart. Nous marchons péniblement car après la première pose il y a déjà des traînards, il fait chaud et le poids du paquetage rend la marche difficile. 
A onze heures du soir nous bivouaquons dans un petit village, chacun s'installe où il peut, dans les fossés à même les champs, sur les bords de la route. 
A quatre heurs du matin nous sommes réveillés par la 9e D.P. Qui repart. Arrivée un peu  
  
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avant nous elle avait profité du même cantonnement que le nôtre, autrement dit nous avons couché à la belle étoile. 
Je fais mettre tout le monde debout et nous partons pour marcher à la fraîcheur et éviter la vue des avions ennemis, nous passons par Beaufort et nous arrivons à Champ-sur-Layon où je veux faire ravitailler et reposer mes hommes. Je trouve du pain à acheter, nous avons encore du café, du sucre, de la viande. Un repas est préparé en vitesse ainsi que du café. Les hommes mangent et se reposent jusques cinq heures, un deuxième repas est prêt et de la viande pour le lendemain matin. 
Après la soupe je donne à nouveau le signal du départ, les hommes repartent quelques uns assez allègrement mais beaucoup ont mal aux pieds aussi la colonne s'échelonne sur une distance assez longue. Qu'importe il me faut atteindre la Tour Landry où nous arrivons les premiers vers minuit. Pas mal d'hommes sont à la traîne mais aucun moyen de les remorquer même pas de les soulager de leur paquetage, ils leur faut se débrouiller tous seul. 
Partout nous trouvons des soldats traînant la jambe, tous en débandade et sans chef. Sans armes ils vont comme des fuyards. 
  
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Quelques-uns me demandent d'où nous venons en me disant qu'ils n'ont plus de chef depuis la Somme où ailleurs et que c'est la première fois qu'ils trouvent un commandement de cie avec ses hommes. 
Cela me crève le cœur, où êtes-vous soldats de l'autre guerre? Jamais je n'ai connu cette débandade et pourtant qu'elle est ma situation présente? Où est notre chef de Bons? Où sont les autres Cies? 
Jamais de 14 à 18 je n'ai fait de déplacement de ce genre. Qui aurait pensé que nous serions tombés si bas cette fois-ci? 
A la Tour Landry j'installe médiocrement les hommes dans une scierie moi et quelques sofficiers nous couchons dans une petite pièce à la mairie. Malgré la fatigue je ne ferme pas l’œil, le souci de la situation me tiend constamment en éveil. Charpentier Sergent ronfle à côté de moi comme un sonneur sans souci d'un avion qui rôde constamment au dessus de nous. 
Au petit jour je sors dehors et sonne l'éveil. Tout le monde se rassemble petit à petit, les traînards sous la poussée de l'adjt Marolleau ont rejoint en partie et plusieurs de mes postes qui prévenus par mon brave coiffeur Guilloteau, lequel j'avais détaché en moto, rejoignent la compagnie. 
  
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Après le café nous démarrons péniblement et direction Maulévriers, et enfin à 10h30 nous arrivons à trois kilomètres de Maulévriers au Château des Loges. Les 6me et 7eme me précèdent de quelques instants, sont installées chacune dans une ferme. Je trouve le commandant installé dans un pavillon de chasse appelé La Tuilerie. Il est frais et dispos, bien botté, rasé de frais, il vient à moi et me demande de mes nouvelles ainsi que de ma cie. Je lui tourne le dos les pleurs aux yeux et le mépris au cœur, non ce monsieur portant beau et l'air hautain n'est pas un chef comme j'en ai connus, à ce moment je revois mon ancien commandant le brave De La Messelière se laissant engloutir avec son Bon sur le Calvados dans la baie d'Arzew en méditerranée en 1915. 
Ce Monsieur c'est un semblable à tous ceux qui ont abandonné leurs hommes devant l'ennemi, de ceux que nous avons croisés sur notre route. 
Je me ressaisie et lui demande si il n'y aurait pas moyen d'envoyer quelques voitures pour ramener ceux qui, fatigués, sont restés à l'arrière, immédiatement le nécessaire est fait. Mon fourrier envoyé la veille au soir en vélo pour chercher la liaison me conduit à une ferme située à 
  
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quelques cent mètres du P.C. du Bon. C'est la ferme de l'Espérance.Hélas quelle espérance! 
Nous nous installons tant bien que mal  Les hommes dans des greniers, granges, hangars à fourrage, etc... Les sous-officiers et moi dans une chambre servant de débarras. 
Tout le monde se laisse tomber pour se reposer. Beaucoup ont les pieds en sang. Ces hommes là n'étaient pas entraînés pour une épreuve de ce genre, en plus ce ne sont que des gens âgés et beaucoup ont des infirmités. 
Je n'ai pas de blessure aux pieds néanmoins ils me font mal à moi aussi: l'entaînement me manquant également. 
Dans la soirée je vais aux ordres mais rien de précis, peut-être serons-nous obligés de poursuivre notre route le lendemain, ce qui ne fait pas sourire les hommes et pourtant cela aurait été préférable. 
Le 21 nous recevons l'ordre de désarmer les hommes. Cela devient inquiétant. L'ennemi est donc proche. 
Hélas oui le soir à la tombée de la nuit quelques motocyclistes arrivent jusque nous et font demi-tour. Les armes sont transportées à la mairie de Maulévriers et à 10 heures le commandant nous communique l'ordre que nous devons repartir le lendemain matin. Des camions 
  
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devant venir au devant de nous pour nous transporter vers … 
Hélas le 22 malgré l'arrivée d'une section autos commandées par le maréchal des logis Guéringer, sous-officier que j'avais connu au Blanc, puis retrouvé à Angers, notre chef de Bon  n'avait pas l'air enchanté de nous faire partir. Les Allemands arrivent tout à coup en nombre, motos, autos blindées et en moins de deux nous étions prisonniers. 
Dans l'après-midi tout le monde fut rassemblé et conduit sous escorte à Maulévriers. La 8e Cie de Saumur arrivée la veille subissait le même sort que nous. 
Une fois arrivés à Maulévriers les officiers furent séparés de leurs hommes, ces derniers parqués dans une grande prairie et nous dans le parc d'un château. Des F.M. Braqués sur nous dans tous les coins. 
Nous assistâmes au défilé continu de troupes allemandes, Artillerie, troupes motorisées, infanterie transportée en camion ou roulant à bicyclette, le tout pourvu d'un matériel impeccable et des chevaux dans un état plus que parfait. Quelle comparaison avec les nôtres et quelle discipline, et dire que l'on nous disait qu'ils manquaient de tout. Quelle dérision! 
  
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Après quelques heures d'attente tout le monde fut rassemblé en colonne et nous voilà en route pour une direction inconnue. Au départ la colonne prit la route de Cholet que nous abandonnons après une heure de marche, nous traversons la forêt de Vez et après une marche qui dura toute la nuit nous arrivons à Chemillé au petit jour sous une pluie fine et froide. L'église servit de cantonnement pêle-mêle, les uns assis les autres couchés à même le pavé. Nous restâmes sur les marches jusqu'au moment où un café ouvrit sa porte. 
Après avoir pris un peu de réconfort dans ce café : vin blanc et œufs bien chauds, nous montons en camions et direction Chalonnes-sur-Loire où nous arrivons dans la matinée. 
Une prairie tres vaste où se trouve déjà groupés un certain nombre de prisonniers nous sert de parc avec comme déjà mitrailleuses et canons de 25 comme photographes. 
Au soir nous avons la visite du général commandant la Panzer Division, il nous reçoit d'une façon très correcte en nous traitant de manière tout aà fait correcte. 
Un autre officier major je crois dit un historique de la 
  
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guerre en nous assurant que dans XXX au plus ce serait fini avec l'Angleterre. Petite Île disait-il pas pour longtemps dans XXX guerre finie XXX. 
Les prisonniers affluent de toute part en grand nombre et la prairie n'est plus suffisante il faut se rendre vers le sud nous sommes là plus de mille. Parmi cette fourmilière je retrouve Raoul Cruchon de St Cassien. 
Nous restons là quelques jours couchant à même la terre la nuit il fait assez frais tandis que le jour il fait un soleil de plomb. 
Comme nourriture nous avons peu de chose, un peu de bouillon, et un quart d'eau et encore faut-il voir comment la distribution est faite. Des camions dans lesquels se trouvent des boules de pain et des boîtes de conserves arrivent, aussitôt ils sont entourés par une grappe humaine et ne peuvent plus avancer. 
Ces vivres sont jetées pêle-mêle à la volée en attrape qui peut et bien rare quand je suis près des bagarres. C'est épouvantable et surtout ce qui est le plus effrayant c'est de voir la mentalité qui existe parmi tous ces hommes. 
  
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Heureusement nous avons quelques réserves mais hélas tout ce que nous possédions : camionnette, cantine, caisse de bureau, tout est pillé, les hommes d'abord XXX. Le feu est mis à nos caisses de comptabilité et nos cantines subissent le même sort. 
Le 25 juillet un premier départ a lieu. 250 officiers et quelques milliers d'hommes partent pour Laval paraît-il. Le lendemain nous partons à notre tour avec un millier d'hommes environ et nous venons coucher dans un pré près de Montreuil-Bellepoy et le 27 nous arrivons à Angers à la caserne Langlois. C'est plein à déborder partout, il y en a dans tous les locaux, dans la cour, sous des toiles de tente. C'est une vraie foumilière. 
Pendant les quelques jours que nous restons là, la vie est presque intenable, le ravitaillement est à peine suffisant pour la moitié de l'effectif et les moyens élémentaires font totalement défaut. Néanmoins beaucoup reçoivent du ravitaillement de la ville, des civils viennent sans interruption apporter pain et des denrées de toutes sortes. 
  
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Je tâche par l'intermédiaire de l'un d'eux de faire parvenir une lettre chez moi pour les rassurer. 
D'après nos gardiens nous ne devons pas rester longtemp prisonniers, c'est une affaire de quelques jours, le temps de régulariser notre situation, et nous serons lâchés. Hélas tout cela n'est qu'un bourrage de crâne. Le 30 juin un premier départ a lieu. Je n'en suis pas mais le lendemain nous démarrons à notre tour. Toujours les mêmes inséparables du Bon nous montons en camions et direction Le mans et enfin nous venons nous échouer au camp d'Auvours vers les 11 heurs. Ce camp est situé à une dizaine de kilomètres du Mans et était bien aménagé pour la troupe en temps de paix, mais dans l'espace de quelques jours nous sommes entre 25 et 26000 et malgré un nombre de baraques assez élevé construites depuis la guerre une bonne moitié des hommes sont à la belle étoile. Des abris de fortune, toile de tente, couvertures, planches recouvertes de terre. Partout surgissent des abris mais combien peu confortables, surtout pour la période qui suit, de la pluie pendant quinze jours. 
  
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Des concerts, théâtres etc … organisés par des artistes se trouvant parmi les prisonniers donnèrent un peu de gaîté à notre captivité. Tous les dimanches une grande messe était dite par des camarades prisonniers, sur un autel artistiquement monté dans le camp, et l'après-midi cet autel se transformait en scène de théâtre. Il y avait de vrais artistes et des chanteurs vraiment épatants. Les anciens combattants ayant procuré des instruments de musique, c'était des soirées très bien réussies, ce qui fait que notre captivité dans ce camp en fut très adoucie. 
Enfin vers la fin Août, le bruit se répandit de plus en plus affirmatif que le camp allait être évacué totalement. Et en effet au 1 septembre, deux trains remplis d'hommes partaient pour des destinations inconnues, mais depuis je sais que c'était pour l'Allemagne. 
Quant à nous qui devaient primordialement partir avec les hommes à raison de 20 par train, moi au deuxième train le premier jour, nous reçûmes contre-ordre, nous ne devions partir 
  
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que le 8 Sept. pour Couterne ou Bagnoles de l'Orne. 
Nous sommes partis du camp d'Auvours le 9 Sept. Réveil à 4 heurs, nous quittons le camp à 5h pour aller prendre le train à la gare de Champagné. Nous arrivons à la gare à 6h, il nous faut attendre, le train a soit-disant une heure retard, finalement il arrive à midi. 
Il est déjà rempli d'officiers qui reviennent eux de Couterne. Donc illusion proptement déçue de notre part, il n'y a pas d'erreur au lieu de Bagnolles-de-l'Orne. C'est l'Allemagne qui nous attend. Après un certain bouleversement et de débarquements des officiers déjà installés dans le train, nous arrivons à nous caser dans un wagon et nous dinons. 
Départ de Champagné à 1h. Nous filons sur Paris, mais arrivés à Coméré-Bléré nous revenons sur nos pas et finalement nous voilà revenus au Mans. 
Arrêt pendant quelques instants en gare. Là je note un léger incident survenu entre moi et une dame qui, installée dans un express, 
  
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se dirigeant sur Paris. 
Cette brave dame, après s'être entretenue et apitoyée sur notre sort les quelques instants où nous nous sommes trouvés face à face nous souhaita un prompt retour dans nos foyers. 
Comme je lui répondais assez tristement du reste 'Madame, cela peut quelques fois être cette année, mais peut aussi bien demander la fin de l'année prochaine'. 
Elle fit la réponse suivante  : 'Après tout, pour ce que vous avez été bons à faire' d'un air de vouloir dire  : vous êtes prisonniers mais c'est de votre faute, vous ne vous êtes pas défendus. 
Voilà le jugement à peu près général des civils. Quand nous serons rentrésc'est ainsi que nous serons reçus. Il n'y aura aucune comparaison, nous serons tous catalogués au même rang, même je suis sûr que ce sont ceux qui on filé devant l'ennemi en quatrième qui auront encore la sympathie et qui nous traiteront d'imbéciles. Bref, nous nous dirigeons dans la direction d'Alençon, Rouen, Forges-les-Eaux, Gisors. 
  
  
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Là, j'envoie deux mots à ma chère Jeanne pour lui apprendre notre expatriement. La recevra-t-elle  ? Je l'ignore, je l'espère. 
Ensuite direction Creil, Longuau, Abville, Amiens. Partout nous ne croisons que des convois Allemands, trains chargés de matériel, troupes de toute sorte, trains blindés et le tout prenant la direction des côtes, cela nous donne l'impression d'une offensive prochaine sur l'Angleterre. Un nombre formidable de petites chaloupes défilent à plein train, il y en a deux par wagon, elles sont disposées pour être munies d'un petit moteur et armées d'un F.M. Ou d'une mitrailleuse. Et nous arrivons à Lille, tote cette région du Nord est morte. Les hautes cheminées dressées de toute sorte ne fument plus à part quelques mines à charbon, rien ne fonctionne plus et partout ce ne sont que des allemands, les employés des chemins de fer sont sous leurs ordres. Ce n'est pas le moment de flener, j'espère que ceux-là auront compris. 
Nous quittons cette ville pour Roubaix-Tourcoing et nous voilà en Belgique. 
Quelques aperçues de la guerre, mais très peu, des obus 
  
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ou bombes à avions pour la plupart ont laissé leur trace de dévastation. Néanmoins partout la vie normale a repris. 
Après avoir traversé toute la Belgique de nuit nous voici en Hollande où nous arrivons à l'aube. Nous n'avons qu'une faible aperçue du pays. A Gort nous prenons la direction de l'Allemagne, nous descendons vers le sud et pendant une journée entière nous traversons toute la vallée du Rhin. Dusseldorf. Cologne. Coblentz. Mayence où nous traversons ce fleuve et direction Vis Basen. Nous passons par Francfort, Darnstadt et nous gagnons l'Autriche. Munich, Salsbourg et enfin nous venonons échouer à Lienz le 14 septembre au matin, rompus et exténués. 
Après 6 jours de chemin de fer nous sommes venus échouer en Autriche ou tout au moins ce qui l'était autrefois. Nous débarquons à la gare de Lienz Drau qui se trouve dans la vallée de la Drave, entre deux chaînes de montagne. Celles du côté Sud-Ouest sont les Alpes Juliennes faisant frontière avec l'Italie et la Suisse. De ce côté-ci les montagnes sont à pic et presque dénudées. 
  
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Quelques petites touffes de sapins par-ci par-là. 
Du côté Ouest un peu plus boisées. Au nord  : les versants de la montagne qui nous fait face a son versant orienté au sud, ce qui explique plus de fertilité. Quelques maisons sont éparpillées de-ci de-là et on y distingue quelques cultures  : pommes de terre, blé noir, maïs et des pâturages où paissent quelques troupeaux. On y distingue plusieurs églises, les habitants sont pratiquants et catholiques. Les maisons sont pour la majeur partie des laiteries ou hôtels car c'était un endroit où venaient beaucoup de touristes. 
Dans ces laiterie, le lait est apporté de la montagne journellement et le produit contingenté alimente la ville. 
Les habitations les plus élevées sont enneigées l'hiver, tout le monde descend dans la vallée pour l'hiver qui dure paraît-il six mois ou presque. 
Le panorama est splendide. Si ce n'était la situation dans laquelle nous nous trouvons, ce serait vraiment un merveilleux mois  : ce n'est que le commencement de notre captivité dans le Tyrol. Hélas combien de jours y resterons nous  ?  
  
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Nos prédécesseurs, des officiers Polonais, y sont restés presque un an. Les Belges deux mois. Puissions nous ne pas y rester plus longtemps que ces derniers. 
Après notre rentrée au camp, nous passons immédiatement à la fouille qui est très sérieuse. 
Ensuite nous sommes dirigés dans des des baraques en bois. Ces baraques sont bien conditionnées, toutes sur le même modèle, un couloir assez vaste passe au milieu. A chaque extrémité se trouvent des urinoirs et water-closets, au milieu une salle où sont les lavabos. 
D'un côté ce sont les petites pièces pour deux, trois ou quatre occupants, de l'autre côté les pièces sont plus grandes  : de sept à douze. J'ai la chance après deux ou trois jours de remue ménage d'être logé dans une petite chambre à deux, mon partenaire est un capitaine nommé Maurette. Ce dernier me paraît quelque peu bizarre, 
  
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Nous verrons bien par la suite. 
Nous trouvons, arrivés un mois et demi avant nous, des camarades qui viennent du camp de Mailly où ils sont restés un bon mois. Ils y ont été très malheureux, presque tous ont maigri de dix à quinze kilos tandis qu'ici ils se trouvent tous heureux, la nourriture est assez abondante, voici le régime à peu près journalier  : 
Matin  : Café erzazt un deux litres chacun, à midi  : Pommes de terre avec chou et le soir chou-pomme de terre, le tout cuit ensemble ce qui fait que c'est un peu ratatouille, mais néanmoins fait avec une grande propreté. 
A venir  : les jours, les repas du soir sont pris en chambre. 
Là ce sont des pommes de terre en robe de chambre avec un peu de beurre et quelque fois du fromage genre gruyère mais d'une couleur plutôt jaune. 
Le dimanche à midi nous sommes gratifié d'un plat superflu appelé Goulache. Ce sont des pommes de terre en purée très épaisses arrosées d'un achis de viande avec un peu de sauce. Le Vendredi nous avons morue, et voilà notre régime. 
Une cantine fonctionne dans le camp également 
  
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on y trouve de la bière à 8f  la chope ou du vin du Rhin à 80 ou 100 f la bouteillele tout à un prix exorbitant. D'abord il  nous faut faire une avance à cette cantine. 
10 Marks. 1M5 pour les ordonnances par mois pour une caisse d'amortissement pour les aspirants qui eux ne sont pas payés. Les cigarettes coûtent un mark les 20. 
Les lettres et cartes sont également payées, sans compter des supplément comme de la caséine. 
Comme occupation ce n'est pas extrêmement varié. Appel deux fois par jour, le matin à 8h le soir à 17h, entre temps les jeunes, c'est-à-dire en dessous de 40 ans, font de l'éducation physique quand aux deux siècles comme nous liberté de manœuvre, en un mot c'est assez monotone. 
Voici en général jusque ce jour notre vie de prisonniers. Je noterai maintenant journellement 
  
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ou à peu près les différents événements survenus. 
29 sept. Une pluie battante tombe toute la nuit et au matin vers huit heures c'est la neige à gros flocons et malgré que la terre soit détrempée elle reste sur la terre, en peu de temps un couche de dix à quinze centimètres couvre le sol. 
La température est devenue très froide et nous ne voyons plus les montagnes de chaque côté du camp. 
L'apparition de cette température ne nous enchante guère Si cela doit durer au moins six mois comme c'est la coutume dans le pays nous aurons un séjour plutôt monotone et triste. 
30 Sept. Le temps se change brusquement et la neige disparaît presque totalement. 
6 Octobre Quelque jours se sont écoulés. Notre vie est sans changement et aucun événement n'est à signaler. Jusque ce jour dans notre baraque là on est très tranquille. 
Cette journée est marquée par un incident d'une mesquinerie remarquable. Voici les faits  : 
L'évacuation de la chambre s/o Dix neuf de la baraque ayant été prescrite par le commandement allemand, le commandant Lecointe chef de baraque voulut procéder au rang d'ancienneté de Ses officiers pour une nouvelle répartition dans 
  
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les chambres. De là s'élevèrent des protestations de part et d'autre, les uns trouvant que ce n'est plus le moment ni la situation de s'occuper de ce cas là, d'autres trouvent que l'on en favorise quelques uns au détriment des autres, en résumé tout ce mouvement se borne à séparer des camarades soit de régiment ou de pays. 
Un capitaine d'active nommé Laffitte se parant d'une ancienneté de 33 ans de service, le plus ancien capitaine de France d'après lui et pas nommé chef de Bon ce qu'est je crois le motif de son caractère ambitieux et autoritaire. Cet éminent gradé se prend de querelle avec un autre capitaine de réserve nommé Dubois et prétend que lui d'active est le supérieur à l'autre et que ce dernier lui doit le respect. 
La discussion s'anime et un rassemblement se forme dans le couloir où chacun pose son mot et en fin de compte Dubois envoie promener Lafitte en lui disant  : Des supérieurs comme ça, je les mets sous mes fesses. Alors menace de punition de la part de Laffitte, intervention du commandant qui donne tort à Dubois comme de juste en disant que nous, officiers de réserve 
  
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nous étions des favorisés vis à vis de l'activité tant au point de vue avancement qu'au point de vue décorations etc … 
Cet argument soulève un flot d'indignation de la part de tous les officiers de réserve, même de quelque uns de l'activité. 
Voilà donc la mentalité de nos camarades de l'activité pourtant qu'ont-ils fait pendant cette guerre-ci et même avant, rien si ce n'est la vie joyeuse ou la noce, pas tous évidemment, mais beaucoup. 
Nous avions une armée indisciplinée, non instruite, en un mot que des gradés habitués aux loisirs et à la grande vie, et non des chefs comme au début de l'autre guerre. Quelle différence  ! 
Conclusion – La demande de punition de Laffitte est refusée par le colonel qui lui est intelligent et brave homme. 
Le beau temps continue. Nous sommes réconfortés. Quelques uns reçoivent des nouvelles, on leur dit de prendre courage, qu'il y aura du nouveau pour nous d'ici peu. 
L'espoir et une belle chose, sans ça nous ne 
  
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tiendrions pas. 
19 oct. Enfin je reçois les premières nouvelles de chez moi. Deux lettres de ma chère Jeanne et de mon brave petit André, tous les deux sont remplis de courage, mais je comprends combien je leur manque et par surcroît toujours sans nouvelles de notre grand Robert. 
Pourtant j'espérais tant qu'il fut renvoyé, que devient-il isolé, peut-être sans argent, ravitaillé comment  ? Cela durera encore combien de temps  ? Félas qui pourrait le dire  ? 
Il nous arrive de nouveaux camarades, d'un autre camp en Westphalie, du camp de Warrebourg.  Ils étaient presque tous dans la ligne Maginot. 
Dans notre chambre nous recevons le lieutt Lefrou Paul, un charmant garçon de 31 ans, il est d'active. 
20-21-22-23 J journée du 23 m'apporte un grand soulagement. L'officier de jour de la baraque me remet un paquet de lettres (4). Je suis vraiment veinard à l'égard de beaucoup. Je regarde les adresses. Oh  ! Surprise  ! Je reconnais l'écriture de mon grand Robert. Vite je regarde le cachet au départ  : Loudun. C'est donc qu'il est rentré. Je suis transporté et reste là 
  
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n'osant déplier la lettre crainte d'une déception. Dieu merci, non  ! Il est rentré et heureux d'être revenu. Je vois la petite Madeleine d'ici quelle joie  ! Et comme ils se seront sauté au cou  ! 
Les deux lettres de ma chère (12 et 13) Jeanne me donnent des détails. Que je suis heureux pour elle. Lui  : rendu elle ne sera plus sans soutien, elle pourra se reposer sur lui, cela m'enlève un poids, qui depuis longtemps ne me quittait pas. 
Je reçois en même temps une lettre de ma nièce Cécile, ils sont tous en bonne santé ainsi que son frère Guy. Mais elle ne me dit pas où il est. 
25 Une nouvelle lettre, cest épatant, le courrier marche bien mais elle est du 10 donc elle est restée accrochée quelque part. Nouvelles toujours bonnes. 
29 Une commission composée de plusieurs officiers du camp sur les différentes questions mentionnées au questionnement. Je ne suis pas interrogé. 
La neige fait de nouveau son apparition, mais ne tient pas. 
  
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31 Le temps s'éclaircit par moment et nous avons de belles vues sur les montagnes qui restent couvertes de neige. 
Beaucoup sont extasiés du spectacle. C'est beau sans doute, mais pour moi cela ne vaut pas l'air du pays où ma pensée s'envole sans cesse. 
Que font-ils à la maison  ? L'an dernier, à cette époque, j'étais parmi eux, qui aurait pu prévoir être prisonnier à ce moment là  ? 
Heureusement la rentrée de mon cher Robert me remonte un peu, je me dis que sa pauvre maman sera toujours moins isolée, la maison leur paraît moins vide et qu'un jour viendra bien où je pourrais les retrouver tous et malgré la triste situation dans laquelle il nous faudra nous débattre, ce sera un beau jour pour moi et pour eux aussi. 
Mais quand  ? C'est la question que je me pose sans cesse et bien des fois par jour et même souvent la nuit pendant mes heures sans sommeil. 
Après la soupe du soir je reçois une lettre du 19 ma chère Jeanne me parle de feuilles qui sont à la mairie pour nous faire rentrer. Je n'ai pas grand espoir. 
  
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1e 9bre C'est aujourd'hui la Toussaint, encore un jour que j'ai passé chez moi l'an dernier et cette année je suis presque à deux mille kilomètres des miens. Quelle drôle d'existence  ! 
C'est le jour de notre première lettre du mois. J'en profite pour répondre à ma chère famille, mais nos lettres ne sont pas longues, nous sommes limités. Donc pas moyen de s'étendre bien longuement pourtant cela ferait du bien de s'épancher un peu avec les siens. 
Notre journée passe ainsi que les précédentes mais un peu plus tristement ce jour de Toussaint habitué au recueillement laisse un peu de mélancolie parmi tous. 
La fin de la journée est marquée par le fait suivant  : Tout le camp est rassemblé en carré sur l'esplanade XXX. 
2 9bre Messe des morts dans une grande salle de la cantine. 
3 9bre Dimanche. Il fait beau et la montagne es magnifique. Nous avons réunion de tous les camarades Poitevins. Nous nous concertons pour grouper les renseignements reçus du pays. Ils sont encore très minimes. Le camarade Baelde de Poitiers 
  
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nous dit qu'il y a eu dans cette ville environ 300 victimes à la suite du bombardement par l'aviation. 
Quelques commentaires au sujet du rapprochement franco-allemand donnent des versions différentes laissant espérer une plus prompte libération. 
4 9bre Je reçois mon colis de 5 kilos, ma chère Jeannette a bien eu peur que je prenne froid. 
Toutes les affaires annoncées sont intactes, le contrôle n'est pas trop sévère. Les vivres qui s'y trouvent son bien accueillies. 
Le 5 écris à Triou. 
6 Le colis d'un kilo arrive à son tour, rien n'y manque non plus, maintenant je suis paré contre la température. 
7 La neige tombe à gros flocons et nous ne distiguons plus les montagnes. Dans l'après-midi elle se change en eau. 
Nous touchons un supplément surprise – quelques gâteaux secs XXX morceau de pain le tout de très peu de valeur. 
  
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Nous recommençons à toucher des biscuits. Le temps est beau et la température bonne pour la saison. 
Notre phénomène de camarade de chambre le Cne Maurette nous fiche une bourde énorme en nous disant qu'il est breveté d'État-Major à l'école de guerre - pauvre type – par moment il doit avoir des absences, mais pas pour ronfler la nuit ni même pour manger. 
Heureusement j'ai Lepou avec moi pour me tenir compagnie dans la conversation. 
16 Les Aspirants qui se trouvent dans le camp sont dirigés sur un Stalag, ils ne sont pas considérés comme officiers. Comme leur départ est joyeusement arrosé, cela donne lieu à un chahut qui tourne presque en dissension, beaucoup de jeunes qui se trouvent parmi nous et qui portent des galons d'officiers n'ont pas encore compris notre situation et n'ont même pas conscience du grade qu'ils ont, leur conduite en est la preuve. 
  
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17 Dimanche – Il fait un temps exécrable, la pluie à torrent toute la journée, aussi nous restons renfermés dans nos chambres. 
Des bruits circulent de plus en plus affirmatifs que nous serions libérés plutôt que nous le pensions. Un camarade de la baraque, Sourcier, affirme notre départ pour le 24 prochain. Si seulement il pouvait dire vrai  ! 
18 Écris à Assay Le temps se remet, il ne fait pas froid. 
Nous avons comme déjeuner un espèce de poisson mélangé avec des pommes de terre. Le soir, nous avons la polenta traditionnelle farine de maïs. 
Je reçois deux lettres, l'une de Robert du 26 me disant qu'ils ont reçu ma lettre du 13 et il me dit qu'ils vendangent – le mauvais temps les gêne. 
L'autre de ma Jeannette du 29 – toutes les deux sont arrivées depuis le 12, elle me dit avoir reçu ma carte du 18, pauvre femme  ! Elle veut m'envoyer bien des choses, seulement cela ne vient guère vite. Pauvres amis quand vous 
  
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reverrais-je  ? Pourtant pas mal de bruits circulent au sujet de notre rapatriement. 
19 Je suis de jour avec ce tout fou de Maurette, rien d'anormal à signaler. Le temps est de nouveau à la pluie et à la neige. 
Des bobards sur la libération circulent encore plein. 
20 Rien de nouveau à signaler. 
21 et 22 Des camarades reçoivent des lettres leur annonçant que la paix est signée, c'est assurément une erreur, nous le saurions. 
Je reçois une lettre de chez nos du 24, décidément ils se fichent de nous, elle est arrivée le 13, peut-être avant, en même temps une du père François du même jour. Nous avons une lettre à écrire, justement ce jour. Je l'envoie à Triou. 
Notre illustre ronfleur demande ce jour sa libération au Comt allemand  : J'ai l'honneur de solliciter de votre haute bienveillance le droit à la libération – et allez donc, il ne se doute de rien  : pour lui c'est un droit – Attention  ! 
Le soir la réponse vient  : négative comme de juste. 
Nous n'avons pas de courrier car, paraît-il, les cartes que nous avons écrites le 18 ne sont pas encore censurées. 
23 La journée commence à la baraque par une discussion au sujet du supplémént à payer à la cantine, une somme de 3 RM 80 
  
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8 La neige fond presque complètement et la température change et commence à geler. 
9 Il a gelé fort aussi nous allumons le poêle de bon matin. Le camarade Lefrou reçoit lui aussi son colis ce qui le comble de joie. Les quelques friandises contenues dans le colis nous font regoûter aux bonnes choses de France. J'écris une carte à Mazeault. Robert aura connaissance assurément aussitôt. 
11 Triste jour d'Armistice, ce n'est plus l'enthousiasme de 1918, nous apprenons la mort de Mr Neuville Chamberlain. 
12 Je reçois dans la soirée deux lettres l'une de chez nous et l'autre d'un de mes anciens sofficiers Dézé. Il a plus de chance que moi, lui est rentré chez lui : tant mieux pour lui, et c'est un brave garçon. Je vois qu'une autre lettre, probablement du 25 oct., ne m'est pas parvenue. 
Toujours cette question des cultivateurs. Je n'y crois pas pour moi, durest ici on ne sait rien. 
13 Je réponds à Triou, impossible d'écrire dans plusieurs endroits à la fois. 
  
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nous est réclamée qui se décompte comme suit  : 
Pomme de terre  :  
0'10 
petit-lait 
0'30 
oignons 
0'05 
Poissons  : 2 lundis 
0'70 
choucroute 
0'25 
marmelade de pommes 
0'25 
Assaisonnement, sel, vinaigre 
Potage Agr, Divers 
0'85 
Pommes n'ayant pu être 
payées par les Aspirants 
0'30 
Total 
2,2 
Cigarettes 

Total  
3RR80 
 
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Grades Liste des camarades du Poitou 
Lieutt Duranteau Jacques R Directeur de banque Maché (Vendée) 
SLieutt Baudry Auguste R Griaire Saint Philibert de Bouaine (Vendée) 
SLieutt Bouillaud Marcel Ave Pissotte (Vendée) Montluçon 
Lieutt Michon Jean R Professeur Poitiers (Vienne) 
Capne Picard Edmond Ave Azay le Brûlé (Deux sèvres) 
Lieutt Baelde Georges R Avocat Poitiers 19 rue Arsène Orillard (Vienne) 
Capne Magneron Robert Ave  Poitiers 42 Bourd du G. Cerf freen Métines 
Capne Mouchet Alcide Ave Melles (D-S) 
Capne Gouraud Henri Ave Montaigu (Vendée) 
Lieutt Béguin Pierre Ave Croix de Gré (Vendée) 
SLieutt Rivière Jean R Aviculteur St Benoit – La Médoquerie (Vienne) 
Lieutt Audemont Marcel R Instituteur Arçay (Vienne) (Chassigny) 
SLieutt Richard Jacques R Agriculteur Poitiers (Vienne) 
Lieutt Perrochin Maurice R Agt d'assurance Niort 67 Rue de Strasbourg (D-S) 
Lieutt Paisant Jacques R Avoué Bressuire 10 rue de la Vergne (D-S) 
Lieutt Busseau Robert R Instituteur Thuré (Vienne) 
Lieutt Bonnet Jules R Agriculteur Angliers (Vienne) 
SLieutt Bastien Roger R Instituteur Champigny (Vienne) 
Lieutt Bourreau Paul Ave Mauzé 'D-S) 
Capne Angais François Ave Lathus (Vienne) 
Capne Boinot Albert R Direct Électrique Niort 160 Avenue de Limoges (D-S) 
 
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Vienne – Vendée – Deux sèvres 
SLieut Bigot Camille Ave Luçon (Vendée) 
Lieutt Wallet Étienne R Ingénieur Niort (D.S.) 
Lieutt Caillé Robert R Ing. E.C.P. Chauvigny (Vienne) 
Aspirant De Prinodan Pierre Ave La Roche Prémarie Poitiers (Vienne) 
Capne Gaillemeau Prosper R Trav. P.Les Sables d'Olonne (Vendée) 
Capne Charbonnier Henri Ave Verrières (Vienne) 
Lieutt Amin Charles R Rec. De l'Et Isle Jourdain (vienne) 
Intendant Duru Ave Vieort (D.S.) 
Lieutt Rivero R Prof. Droit Poitiers 18 rue Carnot (Vienne) 
Capne Serin Raoul Ave Sauzé Vaussais (D.S.) 
Lieutt Bonnin Ave La Rivière d'Arthenay (D.S.) 
Capne Mérel Ave Châtellerault 13 Boulev. G. Clémenceau (Vienne) 
Lieutt Baffren R Avocat La Fon. Vendeuvre du Poitou (Vienne) Avocat à la Cour d'appel de Paris 
Lieutt Cavard R Ing. E.N.H. Vallier S/Gartempe (Vienne) Bois Colombes 15 rue Ch. Chefson 
SLieut Ben Saâli Ave Châtellerault 15 rue Laperrière 
Soldat Rateau Jacques R Épicier Chef Boutonne (D.S.) 
'' Aujard Émile R Beurrier Champagne Le Marais (D.S.) 
'' Bouchair Henri R Forgeron Les Sinaux (Vendée) 
'' Levraux Ferdinand R Ent. De maçie Corpe (Vendée) 
'' Fouillot Clémént R Coiffeur Les Sables d'Olonne et Paris 
'' Charrier René R Coiffeur  Moutiers par Argenton Château (D.S.) 
 
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24 Nobre Dimanche. La Journée est splendide, il fait vraiment un temps radieux, quel dommage de passer d'aussi belles journées emprisonné et inactif, pendant qu'il y aurait tant besoin de travailler chez-soi. 
La journée paraît encore plus longue que les autres, à trois heures on affiche la liste des colis pour le lendemain. J'en suis, les colis viennent plus vite que les lettres. Pourtant nous devons avoir du courrier ce soir, paraît-il. 
25 Je touche mon colis dès le matin, toutes les boîtes de conserve sont ouvertes, le pâté est mélangé avec les sardines, c'est magnifique. 
Nous n'avons pas eu de courrier hier, la journée passe sans qu'aucune lettre me soit distribuée. 
26 Il a gelé très fort, heureusement que le soleil tourne. 
C'est le jour d'écrire une carte. Je l'envoie chez Aristide Boisseau. 
27 Je reçois une carte datée du 6, partie le 7, elle est arrivée au camp le 14 et seulement distribuée maintenant, ce n'est pas des nouvelles récentes ni bien longues. 
28 Notre situation est toujours sans changement, quelques  
 
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Jusque nous sont donnés. Il serait renvoyé quelques officiers de réserve dans le courant du mois prochain. 
Les Anglais auraient bombardé Marseille dans la nuit du 22 au 23. Une trentaine de bombes seraient tombées et provoqué une vingtaine d'incendies. 
Notre camarade Chevalier apprend le décès de son fils âgé de 25 ans, blessé en traversant la Seine, d'une balle à la cuisse. La gangrène se serait mise dans la jambe et serait décédé un mois après à Nogent-sur-Seine. 
Notre pauvre camarade est abattu par le coup, son fils laisse une jeune veuve et une fillette de dix huit mois. Cette jeune femme n'a vraiment pas de chance, son père a été tué pendant la guerre 14-18 et ne l'a pas connu, il en sera de même pour la pauvre petite. 
Le soir il obtient une lettre précédemment arrivée sur laquelle sa femme lui donnait des détails. Son fils est mort le 5 juillet après avoir été amputé de la jambe. 
Pauvre camarade. Sa peine est grande et comme je prends part à son chagrin. Lui aussi a fait toute l'autre guerre et en est revenu avec un bras estropié. C'était bien la peine ! 
29 Journée sans changement, rien d'important à marquer. 
Le soir après la soupe, je reçois deux lettres l'une du 9 et l'autre  
 
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du 10, elles sont là du 19. Cette dernière m'apprend que le domestique Loulergue a laissé la maison en plan, cela ne me surprend nullement, le rentrée de Robert ne lui aura pas souri sans doute. Ce sera comme il voudra, mes pauvres enfants feront ce qu'ils pourront. 
30 Dernier jour de novembre, c'est la Saint André, la fête à mon petit bonhomme. Quand je le retrouverai il sera tout grand car je ne crois pas que ce soit pour cette année, malgré les bruits qui ont circulé ces temps derniers : qu'une certaine catégorie de réservistes seraient rapatriés en Décembre. 
Ce ne sera pas la première désillusion qu'ils nous feront avoir chez eux c'est le mensonge organisé. 
Pas de courrier ce jour. 
Dimanche 1er Décembre Nous voilà au premier Décembre. Deux mois et demi que nous sommes ici et acune amélioration en perspective n'est en vue à notre égard, décidément nous passerons tout l'hiver dans ce camp ou dans un autre qui sait ? 
Il arrive une vingtaine d'autres officiers. Ces derniers viennent de Warburg aussi seulement ils ont séjourné quelque temps à Mayence dans un camp qui serait amménagé en camp de concentration pour le triage, d'après eux. 
Le temps est au beau, il fait un froid sec, ciel clair, ce qui nous donne un peu de soleil dans le jour, 
 
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la nuit il gèle très fort aussi nous commençons à le ressentir à travers nos cloisons en planches. 
Cette journée quoique belle paraît encore plus longue que les autres, les aller et venues dans le camp sont rares à force de faire toujours le même circuit cela devient monotone. 
Rentré dans la chambre, on s'allonge sur son lit et là, bien que des idées galopent dans la tête et par force des choses, la mélancolie s'empare de soi. 
Combien de fois je me demande ce que font les miens à la maison, eux ont encore leur travail pour les occuper, mais nous rien pour nous distraire nos pensées. 
Comment retrouverons nous le pays ! Dans quelle situation, enfin tout passe par la tête et bien des fois c'est avec découragement que l'on voit les événements. Heureusement j'ai le camarade Lefrou qui lui, étant plus jeune, remonte mieux le courant, il apprend l'allemand et il s'y donne avec assiduité, celui-là est un vrai officier intelligent, instruit et très correct, quelle comparaison vis à vis de notre Maurette, comment a-t-on pu faire 
 
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un capitaine d'un homme comme ça, aucune éducation, il n'a rien pour lui : d'une mentalité infecte comme tous les ratés de son espèce. S'il n'y a que des gens comme ça pour remonter le pays, nous sommes jolis, heureusement j'espère que non. 
Et pourtant, il y en a encore beaucoup parmi nous qui ne semblent pas avoir compris. 
La lettre que j'écris est pour les miens. Que font-ils en ce moment ? Sans doute ma pauvre Jeanne est seule avec André. Robert doit être parti où son cœur l'appelle. Pauvre maison, à quand mon retour ? 
2 Xbre Journée semblable aux précédentes. 
3 Xbre La température est toujours au froid sec malgré que quelques nuages laissent à prévoir un changement prochain. Le décompte du supplément que nous devons à la cantine est affiché, il se monte encore un peu plus haut que la dernière fois. Ce n'était pas la peine de réclamer. 
Cette fois-ci c'est : 
3 Rm 55 
Impôt de confiture
0''55 
Cigarettes et tabac 
1''34 
Soit : 
5 Rm 44 
Et tout ça pour pas grand-chose. 
 
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La journée se passe sans que nous n'ayons de courrier. 
4 Visite d'un Officier Supérieur au camp, tout un branle bas pour rien dans les baraques, rien n'est venu et comme par habitude pas de lettres. 
5 Le temps s'est assombri : ça sent la neige, nous avons une carte à écrire. Je l'envoie à Dezé et la journée se passe encore sans courrier pou moi. 
6 Le temps s'est radouci, il a tombé un peu de neige, presque rien. 
PQ Les camarades du Service Vétérinaire ont reçu l'ordre de se tenir prêts à partir, encore pas de lettres ! 
7 Les officiers proposés comme malades partent ce matin, ce sont des enviés. Ils sont quatre au total, dont deux de la baraque les Capnes Vidcoq et Chaveron. Vidcoq est de l'Active, c'est à se demander pourquoi il était dans l'armée, cest à vous dégoûter le restant. 
8 Dimanche. Toujours même vie et journée sans avoir rien d'anormal à signaler. Ces jours là sont encore plus monotones que les autres, en un mot ce sont les jours à cafard et et poutant ce n'est pas la fin de sitôt. Si encore nous avions les lettres et pouvoir y répondre comme nos le voudrions, mais hélas rien de tout cela. 
9 LundI Enfin je reçois ce jour quelques nouvelles – quatre lettres – Deux venant de la maison, une de ma mère Cécile et une du voisin 
 
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Boisseau. Vraiment il en a eu de bien bonnes de me dire que les gens sont enchantés des troupes d'occupation. Je leur réserve mon avis à ce sujet, ts de cochons. S'ils étaient dans notre place, ils verraient verraient ceux-là qui s'expriment ainsi n'ont certainement personne. Les deux lettres venant de chez nous sont parties du 19 et 20, celle de Cécile du 21 et celle de Boisseau également du 20. Je dois en avoir d'autres expédiées précisément qui ne sont pas arrivées ou bien restées au panier. 
10 Mardi. Je reçois évidemment les lettres arriérées, deux de ma chère Jeanne, l'une du quatorze et l'autre du dix sept et la lettre de notre chère Madeleine annoncée par Robert. 
Chère petite Madeleine, elle fait des vœux ardents à mon égard, je n'en doute pas et comme je l'en remercie. Si je suis malheureux, elle et Robert ont au moins la satisfaction d'être de nouveau réunis de temps en temps comme autrefois. 
11 Mercredi. Nous avons de nouveau une lettre et une carte à écrire. Je réponds aux miens et j'envoie ne carte à la Hurtaudière. 
La remise des stylos est annoncée, et maintenant interdiction d'écrire au crayon,. Tout cela pour arriver à nous vendre de l'encre et des porte-plume. Kommerce … Kommerce ...  
 
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12 Jeudi. Rien de nouveau, pas de distribution de courrier ce jour. 
13 Carte Vendredi – Nous avons la dernière carte de l'année à écrire. Je l'envoie à Triou en leur prévoyant mes vœux pour le nouvel an qui sera bien triste pour beaucoup, espérons que ce sera le dernier. 
Le soir, à la distribution du courrier, je reçois quatre lettres, une carte de mon petit André et trois lettres de ma pauvre Jeanne, que ne les ai-je eues plus tôt pour une surtout. Celle du 24. Bien des fois pendant mes moments de solitude j'y ai songé à ce désir exprimé aussi bien de l'un comme de l'autre et en moi-m^me une idée s'était ancrée, nous fêterons mon retour pour cet événement. 
Hélas la jeunesse est égoïste et parfois ingrate et l'oubli pour l'exilé qui, seul, à des milliers de kilomètres de son foyer, est plus fort que l'amour filial. Pourtant, c'était pour moi une joie, un réconfort dans mes heures sans sommeil de penser à cette réunion de tous après une séparation longue et douloureuse. Pourquoi ne m'avoir pas laissé dans cette douce rêverie ? C'est donc possible de ne compter pour si peu dans la vie, il me faut donc vider le calice jusqu'à la lie, n'avoir que déceptions et des brimades, que puis-je répondre ? Qu'ils attendent encore trois mois inutiles, ce sera assurément la même situation, car cette captivité 
 
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Les 21 ans ne semble pas devoir se terminer de si tôt. En plus aujourd'hui m'y opposer ce serait me poser en ingrat, en égoïste vis à vis de Robert. Je ne le veux pas malgré que cela me peine plus qu'ils ne puisse,t le croire, et qui sait dans trois mois ce qu'ils demanderont. Se marier, peut-être ; à la grande Dieu ! Que leur volonté soit faite. Quand ma réponse leur parviendra ce sera un fait accompli sans doute. Le nouvel an étant tout indiqué pour cela et moi je ne pourrais écrire que le quatre janvier, et l'arrivée d'une lettre ne sera certainement qu'à la fin du mois. Allons mon pauvre vieux, tâche de surmonter la peine encore cette fois. Tu en as vu d'autres et qui sait, tu n'es peut-être pas au bout ? La vie est un chemin parsemé d'ornières et d'épines. Les roses y sont peu nombreuses et quelqies fois vite effeuillées. Tu en sais quelque chose. Plaise à Dieu qu'ils soient plus heureux que toi. 
14 Samedi. Un de nos camarades, malade neuroleptique s'est pendu dans une chambre de l'infirmerie, pour lui c'est fini, c'est l'oubli complet. Tout le monde n'a pas la force de caractère voulue pour surmonter les épreuves de la vie. 
Il sera enterré lundi matin. 
15 Dimanche. Il gèle à moins 17, aussi fait-il bon dans nos 
 
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chambres quand elles sont chauffées. 
16 Lundi. Situation toujours analogue. Les Vétérinaires – Carpentier et Lévy – apprennent qu'ils partent le Mercredi 18, à quand notre tour ? 
17 Mardi. Rien à signaler, le froid deviet de plus en plus intense -18. 
18 Mercredi. Remue-ménage il y a encore bouleversement des chambres. Je quitte mes deux camarades Maurette et Lefroi pour aller m'installer dans une autre chambre à côté de celle que nos occupons, la chambe N° 10. 
Je suis aussi bien installé que dans la précédente, les deux préoccupants sont deux capitaines de réserve, très gentils. 
Le Capitaine Pellerin, classe 1910, habitant Paris et le Capitaine Vert, classe 1914, celui-ci est de St Flour – Assurance et Banque, ce dernier apprend la naissance d'une petite fille par télégramme. En un mot je suis très bien tombé comme camarades mais hélas d'autres ne sont pas aussi satisfaits, par exemple le dénommé Laffitte. C'est lui qui hérite du Ronfleur Maurette. S'entendront-ils, l'avenir nous l'apprendra. 
19 Jeudi. Il fait toujours froid malgré que le temps paraît vouloir se changer. Nous n'avons pas de courrier depuis la semaine précédente, en aurons-nous aujourd'hui : non. 
20 Vendredi. Journée sans changement. A part que le temps est sensiblement à la neige, il fait toujours très froid. 
 
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21 Lundi. Nous devions avoir le courrier à Midi. Il n'est distribué qu'à quatre heures. J'ai cinq lettres : 28 et 30 novembre, 3 et 7 décembre et une de Robert du 7 Décembre. J'ai deux colis en route, l'un expédié le deux de 5 kilos et le un kilo du 4. Seront-ils arrivés pour Noël ou le premier janvier, espérons le. Je ne pourrai faire réponse que vers le 5 janvier. 
22 Dimanche. Toujors même température. Mes deux camarades de chambre reçoivent chacun des colis, le cap. Pellerin deux et Vert un, ce dernier en est à son trentième. 
23 Lundi. Toujours les mêmes journées. 
24 Mardi. Nous sommes à la veille de noël. Une fête organisée au camp intitulée la grande semaine de Lienz- Exposition de tableaux, bibelots, plusieurs pièces seront jouées par des camarades. Une est jouée ce jour à laquelle j'assiste est vraiment très bien : Mistère, le roi prisonnier qui n'a pu assister à la crèche. 
Cette pièce s'adapte très bien à notre situation de prisonnier, et beaucoup ont les pleurs aux yeux, moi le premier : ce sera tout pour moi, je n'irai à aucune des autres pièces. 
Le soir, messe de minuit, tout a passé très bien. Plusieurs font réveillon. Dans notre chambre où nous sommes trois, âgés et un peu affectés, nous respectons solidairement note situation. 
25 Mercredi. Noël. Quel triste jour pour nous, que de réflexions, que de pensées hantent nos cerveaux, chacun pense aux siens, à cette famille hélas bien éloignée de nous. Je me remémore ce jour voilà un an 
 
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j'étais parmi les miens, nous étions heureux et nous ne pensions pas être dans une situation pareille pour cette année, et que sera-t-elle dans un an ? 
Mes deux camarades vont dîner avec des amis dans une autre chambre. 
Je reste donc seul, livré à mes pensées tristes car dans ces moments d'isolement que de choses passent par la t^te. Si nous devions vivre toujours seul, nous ne tiendrions pas longtemps, cette tristesse que l'on appelle cafard nous emporterait. La famille, toujours les siens, que font-ils ? Et quand les retrouverons-nous ? 
26 Jeudi. Je reçois un colis de 5 kilos. Tout ce qui est mentionné s'y trouve bien, à part une orange, il n'y en a que 4, ma chère Jeanne m'en annonçait 5. Les fromages sont excellents et fort bien venus et surtout appréciés par les camarades. Le capne Pellerin en reçoit un aussi, nous ne jeûnerons pas encore pour le moment. 
27 Vendredi. Nous espérons des lettres mais rien pour moi ni pour les copains. 
NL 28 Samedi. Le capne Pellerin a 7 lettres et nous rien. Attendons. 
29 Dimanche. Aucun changement à notre vie. Le temps est toujours au froid mais c'est très supportable. 
30 Lundi. Le camarade Pellerin a deux colis d'un kilo pain défraîchi. 
29 Dimanche. Aucun changement à notre vie. Le temps est toujours au froid mais c'est supportable. 
 
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1er janvier 1941 194e j. Mercredi – J'envoie une lettre à Triou avec une carte vue de notre baraque. Quel triste jour de l'an pour un pauvre prisonnier - nos lettres ne partiront que demain et encore. Peut-être en recevrons nous en même temps. 
2 – 195 Jeudi. Nous sommes au cent quatre vingt quinzième jour de captivité, nous avons un temps assez doux depuis quelques jours. C'est vraiment étonnant pour la région. Je reçois ce jour mon colis d'un kilo annoncé du 4 Xbre, un bon morceau de jambon, ne andouillette et un fromage, le tout a bon aspect. Le capne Pellerin reçoit un colis de tabac épatant. 
Le soir la neige commence à tomber. 
3 Mercredi – 196e jour de captivité. Nous avons une épaisse couche de neige et elle tombe toujours, il ne fait pas froid – capne Vert colis. 
Le soir je reçois les (lettres) du 9 – 10 – 12 – 14 – 18 – 20 et 22 et une du père François, ce long courrier me donne un peu de joie et de réconfort. 
4 Samedi- 197 jour de captivité. Nouveau colis nous mangeons l'andouille reçue quelques jours avant, elle était excellente ainsi que chabi. Toujours la neige. 
5 Dimanche 198e jour. J'envoie une carte à Triou, elle est bien courte pour y mettre tout ce que je voudrais aussi faut-il abréger. 
6 Lundi 199e jour. Je suis de service officier de jour à la baraque. Ce n'est pas bien fatiguant. 
7 Mardi 200e jour. Je reçois la lettre de Triou, lettre mixte chacun y a 
 
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mis son mot, ils me parlent d'une lettre que André m'a écrite mais je ne l'ai pas reçue. Il y a un écart entre le 22 et le 27. Dézé m'a écrit également. 
Mercredi 8 201e jour. Il a gelé il a fait moins 15, le temps est très clair, le paysage n'est qu'une nappe blanche et cela vous éblouie la vue, il fait très mauvais à marcher dans le camp et pourtant cela fait du bien de prendre l'air un peu, être toujours renfermé n'est pas de ces plus salutaires. 
9 Jeudi 202 jour. J'écris une deuxième carte à Triou, réponse à la lettre du 29. 
10 Vendredi 203 jour. Nous sommes toujours dans la neige, nous passons notre temps pour la plus grande partie dans nos chambres, il fait tellement mauvais à marcher. 
Tous les après midi je vais faire un bridge avec les camarades du Bon qui sont logés dans la baraque X. 
11 Samedi 204 jour. Toujours même vie et même température -17 ou -18. 
12 Dimanche 205 jour. Encore un dimanche sombre passé dans l'isolement et la solitude, pourtant il fait soleil et des skieurs s'exercent sur la neige dans la montagne, ils filent sur la neige comme des éclairs. Dans le camp des camarades jeunes et hardis glissent et parfois ramassent de belles bûches dans la neige, ce qui fait la gaîté des spectateurs. 
Le soir j'apprends un jeu de cartes 'Le Barbu', ceci se joue de la façon suivante : même jeu que la manille, le premier qui fait continue cinq fois de suite. Le 1er tour, c'est pas de plis.  
 
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Le deuxième, pas de femme. Le Troisième pas de cœur. Le quatrième, Barbu, Roi de Cœur et le 5e Réussite mettre d'abord un valet et placer toutes les cartes dans l'ordre. 
Les plis où l'on ramasse au premier tour comptes comme pénalité 5P. 
Les femmes – compte pénalités 10 
Autant de cœur autant de pénalités de 5 P 
Le Roi de Cœur ou Barbu pénalité 40 P 
A la réussite le premier fini gagne 100 P 
Le second 60 P. 
13 Lundi 206 jour. Moins 18 toujours. Je reçois une lettre de Triou du 30 Xbre. J'ai écrit une lettre ce jour, mais elle était faite et partie quand j'ai eu celle-ci. 
14 Mardi 207 jour. Aujourd'hui il fait un froid intense moins 22, le temps est vif, m'étant levé à 4h, j'ai risqué un œil par la porte du couloir, la lune brillait d'un éclat vif et la réverbération provenant des montagnes obligeait presque à fermer les yeux, c'était vraiment un tableau magnifique, mais vu par un prisonnier …. 
Je reçois trois lettres de mon petit André du 25 Xbre, celle de Aristide et celle de ma mère Cécile, elle m'écrit assez souvent me disant que ce doit être une consolation pour moi de recevoir des nouvelles, elle ne se trompe pas, elle est bien gentille. Tandis que chez mon frère Ernest, jamais rien, c'est vrai qu'il doit avoir tellement de travail ? 
 
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15 Mercredi 208. Je reçois une lettre du 1er janvier de ma chère Jeanne, elle me dit avoir passé un bien triste jour de l'an. Je le comprends, hélas moi aussi, comme beaucoup d'autres camarades. Elle espère que ce sera la libération cette année. Hélas rien ne laisse prévoir cette heure tant désirée pour nous du contraire. 
16 Jeudi 209. Journée très sombre, il retombe encore une couche de neige mais pas bien épaisse, dans le camp il ne fait pas bon marcher, à chaque pas c'est des glissades dans tous les sens. Le camarade Chevalier s'est fêlé un poignet en tombant, nous passons notre temps à lire dans nos chambres. 
17 Vendredi 210. La température s'est beaucoup radoucie, ce matin il n'y a que moins 6, cela change de moins 22. 
Des bruits circulent au sujet de l'Amérique, tout cela ne sera pas pour abréger notre situation. A la distribution du courrier : Rien. 
18 Samedi 211. Un pauvre soldat meurt à l'infirmerie. 
19 Dimanche 212. Toujours les mêmes Dimanches tristes et mornes, le souvenir de ceux passés chez soi en famille que d'idées vous font paraître encore plus longs ces jours-ci que les autres. 
20 Lundi 213. Un deuxième soldat, d'un camp de travail des environs, est mort à l'hôpital. 
 
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Carte Autriche 
 
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Carte Allemagne 
 
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Questions posées le 21-10-40. 
1° De quelle contrée provenez-vous et où était la Patrie de vos ancêtres paternels et maternels ? 
2° Dans quel lieu avez-vous grandi et quelles écoles avez-vous fréquentées ? 
3° Consentez-vous aux conditions sous lesquelles on devient officier en France ? 
4° Quelle position l'officier Français possède-t-il dans la vie politique et Locale ? Comment cette position s'explique-t-elle ? 
5° Quelle attaque hostile était pour vous la plus grave, l'attaque des avions ou celle des tanks ? 
6° Quelle attitude la France avait-elle eue envers l'Allemagne entre 1918 et 1939, et que doit-elle avoir à votre avis à l'avenir ? 
7° Quels sont, à votre avis, les motifs qui, pendant plusieurs siècles, ont empêché les relations paisibles entre les deux nations ? 
8° Pourquoi la guerre a éclaté en 1939 malgré les nombreuses propositions de paix de notre part et de la part du Duce ? 
9° Quelles sont, à votre avis, les raisons de la débâcle en 1940 ? 
10° Comment vous figurez-vous la réorganisation politique et sociale de la France ? 
11° Que pensez-vous de la relation entre la France et l'Angleterre à l'avenir ? 
12° Avant la guerre vous êtes-vous occupé du National Socialisme ? Que savez-vous de lui et quel est votre point de vue envers ses idées fondamentales ? 
13° Vous êtes-vous occupé de problèmes de race ? Connaissez-vous les œuvres des savants français  Gobineau, Lapouge, Topinard, Deicker, Montandon, Pittard etc... et qu 'en pensez-vous ? 
14° A quelle tribu et à quelle race croyez-vous appartenir ? 
 
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15° Que pensez-vous de la question des Juifs ? 
16° Que dites-vous de l'invasion des Nègres dans la France Méridionale et de l'accès du droit de bourgeoisie aux nègres et aux autres races étrangères ? 
17° Quel sont les motifs de la restriction des naissances en France ? 
18° En France, les relations conjugales sont-elles si libertines à en juger par les érotiques innombrables ? 
19° Quelle importance la vie en communauté a-t-elle en France ? Quelles forces prévalent, les sociétés libres ou les sociétés avec un but certain ? 
20° Connaissez-vous beaucoup de Français qui préfères d'être tout seul ? 
21° Pourquoi bien des français obtiennent par beaucoup d'efforts le ruban de la ligu ? Qelle importance a-t-il pour les possesseurs ? 
22° Vivre de ses rentes, est-ce vraiment un idéal de la vie pour bien des Français ? 
23° Quelle doctrine philosophique de la faculté de reconnaître répond plus à la mentalité française, le réalisme ou l'idéalisme ? Le Français s'explique-t-il le monde à façon rationaliste ? 
24° L'optimisme ou le pessimisme, lequel des deux points de vue correspond le plus au caractère français ? 
 
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28° Quelles valeurs le français préfère-t-il : la religion, la politique, les sciences, l'art, l'économie, la Société ou la technique ? 
29° Quel domaine de l'art est préféré le plus : la poésie, la musique, la peinture, la sculpture ou l'architecture ? 
30° Quel domaine de la poésie a le plus d'amateurs : la poésie tragique, héroïque, sentimentale, érotique, gaie ou grotesque ? 
31° Quel rôle l'église joue-t-elle en France dans la vie de l'état et de l'individu ? 
Notre enquête poursuit exclusivement des buts scientifiques et non politiques. Nous voulons faire la connaissance avec la mentalité française pour gagner les fondements d'un accord entre le peuple Allemand et français. Vous pouvez répondre au questionnaire en tout ou en quelques questions. 
21 Mardi 214. Je vais à l'infirmerie pour un pied qui me fait mal, c'est comme une varice qui me viendrait au pied droit, les infirmiers y mettent un pansement. Que sera le résultat ? 
22 Mercredi 215. Nous avons une lettre à écrire, et je reçois une carte de chez nos une toute petite carte pourquoi de si courtes nouvelles, si à tout hasard on peut appeler ça des nouvelles. J'envoie donc ma lettre en demandant une expansion plus grande. Il fait doux, température +2. 
23 Jeudi 216. Brouillard, le dégel continue. 
 
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Je reçois une carte datée du 16, la deuxième depuis le 1er Janvier, aussi courte l'une que l'autre pourquoi ces nouvelles si brèves ? Pourtant les camarades en reçoivent bien eux et de longues. Bon dieu de misère que le diable emporte leur espèce de carte où il n'y a rien dessus. 
24 Vendredi 217. Journée assez mauvaise, il paraît qu'il n'y a pas moyen d'expédier de colis et qu'est-ce que c'est que cette histoire de tickets adresse dont nous n'avons jamais ni parlé et toujours pas de lettre. Quelle guigne ! Ah les salauds ! 
25 Samedi 215. Nous n'aurons encore rien aujourd'hui : aucune lettre n'est arrivée au camp. Désormais il faut en faire son deuil pour ce mois-ci, misère de chien que d'être prisonnier. 
26 Dimanche 219. Toujours les plus mauvais jours. Je ne sais pourquoi le temps paraît si long. J'écris une carte que j'envoie chez nous. Je n'aurais pas dû être si dur, si elle n'était partie je la déchirerais. Mais pourquoi ne pas écrire plus franchement et surtout en mettre si peu, et si cela arrive presque à chaque fois. Je vois mes camarades recevoir des lettres de quatre pages, cela me désespère. Malheur, quand donc finira cette séparation ? 
27 Lundi 220. Rien de bien important, notre gueuse de vie n'a guère de variation entre la luxure et quelques parties de cartes, c'est toujours la vie monotone. 
28 Mardi 221. Un nouveau détachement d'officiers est attendu au camp. D'où viennent-ils ? Nous verrons bien à leur arrivée. 
 
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Les camarades annoncés viennent du camp de Spithal Oflag XVII C, nous en avons une dizaine dans la baraque. 
29 Mercredi 222. Installation, remue ménage de nouveau notre chambre ne bouge pas à notre grande satisfaction. Aucune connaissance dans les nouveaux arrivés. 
30 Jeudi 223. Le colonel Tarade est remplacé par un autre plus ancien venant de Spithal, un nommé Jovard, un espèce de fou qui trouve que nous écrivons beaucoup trop. Encore un militaire qui veut faire valoir ses capacités de commandement dans un camp de prisonniers, et qui, au front, n'était sans doute capable de pas grand-chose, comme il y en avait beaucoup trop. 
31 Vendredi 224. Nos n'avons toujours pas de courrier où presque pas. Décidément nous n'aurons aucune lettre ce mois-ci. 
1 / 2 Samedi 225. Toujours sans courrier, il me faut écrire une lettre. J'espère qu'ils la recevront mieux et plus vite que nous en recevons. Il est question d'un nouveau gouvernement en France partisan de la collaboration, attendons d'avoir des précisions avant de faire des pronostics. 
2 Dimanche 226 jour. C'est la Chandeleur, le jour des crêpes. Dieu que tout cela est loin, quand nous serons à nouveau en famille. Vraiment ceux qui ne passent pas par notre situation ne peuvent apprécier ce qu'était la tranquillité chez soi !  
 
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Le froid se fait de nouveau plus rigoureux ce matin moins 11. 
3 Lundi – 227 Lu un livre de Balzac – Scènes de la vie privée – Mémoires de deux jeunes mariées. 
4 Mardi 228 – Toujours les mêmes journées, il tombe de la neige sans discontinue. 
5 Mercredi 229. Écris une carte sans avoir reçu encore de nouvelles. On nous donne deux séances de cinéma : le Barbier de Séville, le film est bien, j'y suis allé pour passer le temps, au retour je me ramasse une de ces pelles et me suis fait une entorse au pouce droit, cela aura le temps de guérir d'ici la libération. 
6 Jeudi 230. La température s'est de nouveau abaissée : moins 11. Toujours rien comme lettres c'est à se demander ce qu'il y a. 
7 Vendredi 231e. Dans la matinée il y a une Distribution de courrier. J'en suis exempt encore. Tonnerre de Zinc que je trouve le temps long et pourtant tous les camarades en ont. Audemont d'Arçay me dit que sa femme lui écrit qu'il n'y a plus de troupe dans les environs. Mes camarades de chambrée ont chacun 4 à 5 lettres, les veinards. On nous donne une carte pour y mettre notre adresse et qui sera jointe à celle du 5 , que diable vont-ils y comprendre, enfin nous verrons bien par la suite. 
8 Samedi 232. Enfin j'ai deux lettres, l'une du 17 et l'autre du 29, cette dernière partie seulement le 30 était arrivée le 4, c'est à n'y rien comprendre, entre ces deux dates il doit y en avoir à la traîne, mais où ? Enfin tout marche à peu près, c'est l'essentiel. J'ai seulement peur qu'il leur arrive quelque chose, maudite captivité va ! 
 
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9 Dimanche 233e jour. Nous envoyons une carte double, ce procédé nos sera-t-il plus favorable pour avoir des nouvelles plus tôt ? Nous verrons bien. Il fait beau. 
10 Lundi 234e J. Les corses sont prévenus qu'ils quitteront le camp le 12. 
11 Mardi 235e. Malgré qu'il gèle toujours la nuit il fait beau le jour, un temps doux, aussi fait-il mauvais marcher dans le camp. Je reçois au courrier deux lettres celles du 22 de Robert et celle de ma pauvre Jeannette du 26. Mon grand Robert a l'air bien heureux pour sa petite Madeleine et je le comprends et puisque notre retour n'est sûrement pas pour de si tôt.. C'est aussi bon ainsi, nous verrons quand je rentrerai la joie de ces enfants. 
12 Mercredi 236. Les camarades Cap. Turchini, S/L Maiselle, Mattéi et Chavy sont partis à 7h30, que veut-on faire d'eux ? 
13 Jeudi 237. J'écris une lettre à Triou à laquelle est jointe une autre lettre pour la réponse, on nous apprend qu'une lettre a été jointe à la nôtre du 1er. Le soir j'ai une carte du père François du 29/1. 
14 Vendredi 238. Nous apprenons qu'incessamment nous aurons des tickets pour avoir des colis, ils ne sont plus acceptés dans les postes ni dans les gares cela a bien tardé à se faire savoir, et quand les tickets ? 
15 Samedi 239. Une commission Française doit venir demain Dimanche en tournée d'inspection nous verrons. Il fait toujours beau temps. 
16 Dimanche 240 jour. Nous attendons la fameuse commission aussi il y a-t-il grande recommandation de propreté, elle est annoncée pour 14 heures. Déception, cette commission se compose tout juste d'un Monsieur 
 
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que nous n'avons même pas vu. Et comme nouvelles rien qui puisse nous concerner. 
17 Lundi 241. Je reçois le colis d'un kilo, deux pots de rillette et chocolat, une lettre du 25, pauvres enfants, combien leur faudra-t-il attendre encore. 
18 Mardi 242. Envoi une carte chez nous. 
19 Mercredi 243. Rien comme changement à notre vie de captif. 
20 Jeudi 244. Il arrive tout un lot de vivres, biscuits, viande, dattes. 
21 Vendredi 245. Envoi tickets adresse (deux premiers). 
22 Samedi 246. Nous avons 3 lettres à joindre à notre lettre, elles ne doivent être ramassées que demain Dimanche. 
23 Dimanche 247. J'envoie mes lettres à Triou, pas de correspondance depuis le 29. Quelques uns ont du mois même des colis expédiés le 1er Février. 
24 Lundi 248. Toujours rien et rien d'anormal. 
25 Mardi 249. On demande dans les officiers appartenant ou ayant appartenu à des régiments coloniaux. J'en suis. Nous verrons. 
26 Mercredi 250. Nous devons partir incessamment pour un camp de passage. J'envoie ma carte chez nous pour les prévenir de ne plus écrire. Le capitaine Pellerin reçois un colis du 2/2. Reçu la lettre de Robert du 16 envoyé 3 tickets adresse. 
27 Jeudi 251. Envoi de 80RM08 un départ de 14 malades est annoncé pour le .. 
28 Vendredi 252. Reçois une carte de ma chère Jeannette du 18 pauvre amie pardon … 
1er Mars Samedi 253. Nous touchons 2 cartes doubles mais elles ne seront ramassées que demain. 
2 Dimanche 254. Nos cartes qui vont partir contiennent 3 réponses. Il fait une journée magnifique. 
 
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3 Lundi 255. 
4 Mardi 256. Je reçois une lettre du 18/2. Il pleut tout le jour. 
5 Mercredi 257. Nous avons encore une carte au lieu d'une lettre, trois cartes réponses y sont jointes. Que dire sur un bout de carte, presque rien. 
Il tombe de la neige toute la journée mais ne tient pas. 
9 Dimanche 261e. Mon petit André a aujourd'hui quinze ans. Tonnerre de misère. J'envoie deux cartes doubles, trois pour répondre. Quelle vie désœuvrée. 
11 Mardi 263e. Je reçois une carte du 22 Février ; envoyé 4 étiquettes rouges. 
13 Jeudi 265e. Je réponds toujours avec deux cartes et 3 réponses. 
14 Vendredi 226. Reçu une lettre réponse du 13, quand arrivent-ils ces colis, moi qi n'ai plus de tabac. 
15 Samedi 267. L'appel a lieu maintenant sur l'esplanade, tous rassemblés en colonne par baraques. 
16 Dimanche 268. Rien de nouveau, nous avons un théâtre où se joue Le Voyage de Mr. Perrichon, j'y vais avec le camarade Vert. La pièce est très bien jouée. 
17 Lundi 269. Des bruits circulent, la sanction a sujet du courrier serait reportée, en tout cas la bière est supérieure à la cantine. 
 
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Les colis continuent à être distribués, les miens n'arrivent pas. 
18 Mardi 270. Nous aurions une carte à écrire Vendredi 21 et du courrier à partir de la semaine prochaine. 
Nous recevons des vivres du Maréchal Pétain, biscuits, conserves, roquefort, cigarettes, tabac. Le tabac est le bien accueilli, j'étais à sec et ces colis qui n'arrivent toujours pas. 
19 Mercredi 271. La visite d'inspection a eu lieu ce matin, aussi a-t-il été distribué quelques lettres, moi je n'en ai pas eu. Toujours pas de colis, le cap. Vert en a eu 3 en quelques jours, le cap. Pellerin 2 mais son kilo de tabac n'arrive toujours pas lui non plus. Il fait toujours un temps magnifique. Seulement il gèle assez fort la nuit. 
21 Vendredi 273. 
22 Samedi 274. Le capitaine Pellerin reçoit son colis de tabac, 51 jours de voyage, il y a de l'espoir pour les miens. Le soir j'en ai un au tableau d'affichage pour la distribution demain matin. 
 
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23 Dimanche 275. Toujours les mêmes jours du Dimanche paraissant beaucoup plus long que les autres. La pensée se reporte davantage à la famille. Hélas ! 
25 Lundi 276. Je vais chercher mon colis annoncé. C'est celui du 19/2. Jambon et volaille. Le tout n'a pas la mine avarié, nous verrons pour le poulet ce soir à dîner. Je reçois la lettre du 13 Mars entre le 25/2 et cette date il doit y en avoir d'autres, un colis m'est annoncé Harricots, beurre fromage. 
25 Mardi 277. Je reçois la lettre du 13 Mars entre le 25/2 et cette date il doit bien y en avoir d'autres mais elles sont probablement retenues à la censure, des colis m'ont été annoncés seulement ils n'arrivent pas. Le cap. Vert en reçoit 4, 2 de 5 et 2 de 1. Nous mangeons le poulet, il est temps. 
26 Mercredi 273. J'écris une lettre à ma chère Jeannette pauvre amie comme elle trouve le temps long elle aussi, trois réponses sont jointes. 
Et comme de juste quand nos lettres sont remises au bureau du camp j'ai une lettre du 7 Mai misère de chien remis 80 KM pour mandat. 
27 Jeudi 279. J'ai une lettre du 15 Mars, comme ça cela peut aller, l'argent est arrivé, tout va bien, les voilà rassurés chez nous. Le camarade Chevalier en reçoit une qui a été censurée d'importance 
28 Vendredi 280. Aujourd'hui j'ai ma cinquantième année, qui m'aurait dit que je serais en captivité à 50 ans ? J'ai la satisfaction pour mon anniversaire d'avoir mon colis de tabac. Cela me fait plaisir. Si au moins je pouvais écrire à mon gré comme j'exprimerais mes sentiments à ma pauvre amie et à mes enfants. 
Nous envoyons trois étiquettes colis pour avril. 
 
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29 Lundi 281. Journée monotone. Comme beaucoup. 
30 Dimanche 282 '' 
31 Lundi 283 '' 
Avril 1er Mardi 284. Nous écrivons une lettre avec trois réponses. Je reçois le colis de 5 kilos annoncé du 1er Mars. Il était temps ! J'ai eu peur pour le jambon, le sel ayant fondu a répandu une humidité qu'a occasionné un peu de moisi. Quelques haricots sont à jeter, les rillettes, quoique un peu touchées sont encore très bonnes. Le soir, j'ai la carte du 17/3. Une pièce est jouée : La coupe enchantée. J'y vais. 
2 Mercredi 285. R.A.S. 
3 Jeudi 286. '' 
4 Vendredi 287. Je reçois deux cartes du 20 Mars avec la photo du neveu Guy. 
5 Samedi 288. Envoi une lettre à Triou. Toujours avec trois réponses. La pluie tombe. Entrée en Yougoslavie. 
6 Dimanche 289. Journée très maussade, La pluie tombe toujours sans arrêt. 
7 Lundi 290. Je reçois un colis de 5 kilos où il y a Haricots, cacao, beurre salé miel sucre sel petit beurre cravate col laine coton etc... et le soir deux cartes jumelées du 23 Mars. Ces cochons de postiers sont toujours aussi en panne, leur mentalité ne change pas. Nous payons à dîner au camarade Ringuenet père de quatre enfants et s'attendant à partir depuis quelques jours nous avons mangé des haricots cuits avec du singe – épatant ! . 
8 Mardi 291. Le temps est un peu meilleur. Vert reçoit un colis 5 kilos... 
9 Mercredi 292. Je reçois le colis du 13 Mars – Haricots-beurre, 4 boîtes de fromage ... J'envoie une carte pour remercier ma chère Jeanne, mais combien c'est court 
 
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impossible de pouvoir exprimer toute sa gratitude, pourtant comme il serait bon de pouvoir s’épancher surtout à ceux qui vous sont chers. Pauvres chers amis quand donc pourrons-nous être réunis. Enfin espérons que cela nous arrive au plus vite. 
10 Jeudi 293. Fouille dans quatre baraques due à l'imprudence de plusieurs camarades ayant l'intention de s'évader. Il fait un froid vif. C'est la semaine sainte. 
11 Vendredi 294. R.A.S. Le temps s'annonce meilleur. 
12 Samedi 295. Je reçois deux cartes, l'une du 21 et l'autre du 28. Quels cochons ces postiers dans la Vienne, de ne pas vouloir accepter les cartes rectifiées cap. Pellerin en reçoit 2 ce jour et Vert 1 et bien d'autres également. 
13 Dimanche 296. Pâques. Triste jour de fête pour nous, quand je pense que j'étais l'an dernier parmi les miens à cette époque et depuis la Séparation. Enfin prenons quand même courage, peut-être la fin approche-t-elle ? 
14 Lundi 297. Nous écrivons carte double avec trois réponses, je leur dis d'insister au sujet des cartes rectifiées, les mettre à la gare, ils verrons bien. Robert est allé voir M. Gatineau, Que faire ? Il fait un temps superbe depuis deux jours. Quel cauchemard de passer son temps dans les barbelés. 
15 Mardi 298. Les pères de quatre enfants commencent à partir de la baraque. Partent demain : Ringuenet, Villedez et Rivière. 
16 Mercredi 299. Nous recevons un camarade en supplément dans notre chambre, un bon camarade de même régiment que les deux camarades 121e régt. 
 
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17 Jeudi 300. Distribution vivres Pétain : tabac, cigarettes sucre confiture singe biscuits. 
18 Vendredi 301. Écrivons lettre avec 3 réponses. Il fait un temps radieux. Le soir, comme de juste, reçu les deux cartes d 4 et 7. 
19 Samedi 302. 
20 Dimanche 303. 
21 Lundi 304. 
22 Mardi 305. Nous écrivons une carte, à peine écrite je reçois une carte du 30 mars et une lettre du 20. Sacré Robert, est-il embêtant. 
23 Mercredi 306. Envoi 3 étiquettes bleues et deux rouges. 
24 Jeudi 307. Il est arrivé pas mal de colis, je n'ai pas les miens ce jour. 
25 Vendredi 308. Reçu colis croix rouge du 21 Mars et colis du 31 Mars. 
26 Samedi 309. envoyé lettre. 
27 Dimanche 310. Envoi colis d'effets. J'ai assez d'affaires pour le moment. Si nous ne sommes pas renvoyés avant l'hiver, je vos demanderai ce que j'aurai besoin, ne vous inquiétez pas. J'ai tout de même confiance que nous pourrons peut-être rentrer nous les vieux avant l'hiver. A tout hasard voyez si pouvez faire intervenir quelqu’un pour moi. Je n'ai rien à vous dire de plus pour le moment à partir du mois de juin je vous enverrai 150 marks par mois au fur et à mesure de mes moyens. Courage et espoir et vous embrasse tous de tout cœur TSVP 
 
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que Robert prenne patience. Si je ne rentre pas vers sept. et bien ils n'auront qu'à se marier d'ici là vous aurez le temps d'étudier la question, du reste je te le marque sur ma lettre du 26. J'aimerais tant être parmi vous pour cela je trouve le temps bien long, va ma chère Jeanne mais il faut prendre son mal en patience que veux-t. 
Je comprends bien que Madeleine prend le large et ne prend pas habitude du travail mais j'espère qu'elle est une bonne fille et bien gentille et que tout doucement elle en prendra goût, en tout cas soyez gentils tous et patients et encore une fois Mille baisers à toi ma chère Jeanne et merci merci pour tout ce que tu fais pour moi. Embrasse bien les enfants pour moi y compris notre Mad. en attendant le jour ou j'aurai le bonheur d'être de retour parmi vous. 
Signé : Jules 
Rangez tout ceci soigneusement et montrez à personne  
que cela ne sorte pas de chez nous.